Après des Light Novels comme Détective Ai et ses mystères ou la découverte d’un nouveau monde avec Ascendance of a Bookworm, on vous présente aujourd’hui une société corrompue, en pleine guerre. Morales, éthiques et principes ne seront pas forcément au rendez-vous à la république de San Magnolia…
Cette œuvre est écrite par Asato Asato, dessinée par Shirabii. Sortie en France depuis décembre 2021 publiée par Maho Editions. Elle a eu droit à une adaptation en anime du 10 Avril 2021 au 19 Mars 2022 pour 23 épisodes. 86 (Eighty-Six) devait être à la base un simple one-shot pour une compétition concernant les Light Novels. Cependant, il se retrouva en haut du podium, lui permettant de devenir une série.
Un Light Novel durant l’apocalypse
Un monde en guerre où l’on se bat pour sa patrie et assurer sa survie avec des armes contrôlées par une intelligence artificielle. C’était sans compter cette petite citation : “personne ne meurt, du moins officiellement.”
On apprend que parmi les 85 districts composant la république de San Magnolia, un 86ème existe. Sans droits, ces humains traités comme de simples animaux se voient forcés de se battre pour une république qui ne les considère même pas. Ces valeureux guerriers sont attelés à des “Juggernauts”, des araignées mécaniques, supposées être sans pilote.
On suivra l’épopée de l’escadron Spearhead, avec Léna, une jeune commandante aux longs cheveux argentés, voulant à tout prix mettre fin à cette guerre sanglante.
Une république parfaite en apparence
Dès l’ouverture du livre, on tombe sur une citation de Léna, donnant tout de suite le thème de l’œuvre. De quoi s’attendre aux pire ignominies à la lecture.
La composition des chapitres donne une impression de “lire un film” plutôt que d’avoir un livre entre les mains. Il y a une mise en scène forte pour pouvoir se plonger dans l’univers.
L’œuvre parle de sujets très forts, notamment sur le racisme, avec les Albas et les Coloratas, des « races » humaines. On traite d’un sujet très sensible dans un contexte de fiction, permettant de montrer les réalités et horreurs de la guerre ainsi que la corruption de l’être humain à son paroxysme. Les Albas vont jusqu’à diaboliser leur prochain pour leur propre confort. Oublier la morale pour être le “vainqueur” de l’histoire, se convaincre d’avoir raison pour ne pas avoir à être confronté à la réalité amère, qui leur ferait perdre la tête.
Pourquoi ne pas les laisser mourir pour nous ? Après tout nous sommes supérieurs, non ?
C’est l’idée que les Albas vont se construire à travers les années, jusqu’à même torturer pour leur propre plaisir. On voit ici la bassesse de l’être humain fermant les yeux et se bouchant les oreilles pour pouvoir répondre à ses désirs les plus vicieux.
Le drapeau quinticolore de San Magnolia revendique les valeurs “Liberté, Egalité, Fraternité, Justice, Noblesse”, on voit la déconstruction de toutes ces valeurs à travers les chapitres, montrant encore une fois un désir de perpétuer des idées déjà perdues depuis bien longtemps.
“Le défaut de la démocratie moderne, c’est qu’elle n’est pas capable de prendre une décision avant que la situation ne soit critique”, c’est ce que dit Shin, capitaine de l’escadron Spearhead. Il est aux premières loges face à la Faucheuse, il voit le monde au-delà de ce que pourraient prétendre savoir les hauts placés. Il montre avec ceci, à quel point il n’y a aucune volonté d’améliorer les choses tant que ça ne touche pas directement ceux concernés. On ressent une ancienne tristesse se transformant en une indifférence par l’impuissance.
Que pourrait-il faire lorsque la raison est piétinée pour laisser place aux illusions ?
San Magnolia : Une forteresse d’Ivoire se tâchant du sang des damnés, à bord de leurs cercueils ambulants.
La réalité contre les idéaux, Le Destin contre L’Espoir
Tourner les pages du livre est l’équivalent d’une plongée dans les abysses de plus en plus profondes sans jamais en voir le bout. On apprend la manipulation, la méprise, le dégoût, l’infamie.
À chaque page, on se demande si un des personnages qu’on apprécie ne se fera pas tuer. C’est ici une vraie force de l’œuvre, on se soucie de ce qu’il pourrait leur arriver, on ne veut pas qu’ils meurent, ils ne le méritent pas. Cette attache émotionnelle permet de nous garder en haleine, d’aller jusqu’au dénouement final pour espérer voir la lumière au bout du tunnel.
Les discussions entre Léna et l’escadron Spearhead sont aussi fascinantes, le light novel arrive extrêmement bien à montrer la naïveté que l’on possède lorsque nous ne sommes pas directement confrontés au problème. Les idéaux c’est bien joli, mais ils restent ce qu’ils sont, des idéaux. Notre cœur se noue à certain moment, on ne souhaite pas que ça arrive mais il serait infantile de penser que ça n’arriverait jamais.
Si Shin représente le destin, Léna représente l’espoir. L’un a accepté ce qui lui arrive, tandis que l’autre veut que tout ça change. Lors de leurs discussions, on ressent cette tension entre deux personnes qui sont dans deux mondes opposés. Léna essaye de les convaincre, de se dire qu’il est possible de retourner la situation. En tant que lecteur, on aura tendance à partager la vision de Léna. La complexité de leur relation n’empêche cependant pas d’avoir des moments où ils discutent comme ils le devraient, comme des adolescents de leur âge dans un monde en paix.
Léna va même jusqu’à redonner un souffle à Shin, le sortant de son apathie, montrant les fragments humains qui restent en lui. Mais avec un pouvoir aussi sombre, la mort lui chuchote souvent à l’oreille. C’est là tout le problème, pouvons-nous réellement comprendre la torture qu’il subit quotidiennement ?
Ils sont les Eighty-Six, ce sont leur histoire et leur destin.
Ce Light Novel raconte avec brio une société corrompue dans un contexte de guerre avec des personnages attachants et moralement ambigus. L’action ne manque pas et on cherche toujours à savoir de quoi sera fait le futur des Eighty-Six.
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