Un happy birthday pour le démon Spawn

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Pour les trente ans de la série Spawn, Delcourt propose une édition exclusive à la France regroupant les débuts complets de cette série. Pénétrez dans les sombres recoins de Manhattan avec pour guide un démon très perturbé.

De l’enfer aux égoutsPremière couverture de Spawn

Le lecteur est d’abord frappé par la modernité du dessin de Todd McFarlane. Sa mise en page est très variée en recourant au gaufrier, à la pleine page ou à des compositions complexes à la Neal Adams. Dans le premier épisode, chaque case impressionne par sa précision et les choix d’organisation. A l’inverse, le texte assez court car Spawn est le premier scénario de McFarlane. Cependant, chaque dialogue est efficace pour installer l’ambiance gothique.

Al Simmons est un militaire vivant le parfait amour avec Wanda. Mais, il est tué lors d’une mission pour les services secrets. Simmons trouve un moyen de revenir sur Terre en signant un pacte avec un démon. Pourtant il est explicitement athée, ce qui est extrêmement rare dans les comics. Il a été piégé par le diable qui a fait de lui le Spawn, un agent du démon. Il est chargé de tuer le maximum de personnes pour faire grossir les armées de l’enfer en prévision de la lutte contre le Paradis. De plus, le diable a mis en place un compte à rebours. Plus Spawn utilise ses pouvoirs, plus il se rapproche d’une deuxième mort mais s’il ne l’utilise pas, il laisse le crime agir. Quel que soit le choix de Spawn, le diable gagne à la fin.

Un anti-héros sans pouvoir

Cependant, Al a perdu la mémoire. Il a le corps brûlé mais ne sait pas pourquoi. Il est simplement conscient qu’il a été trahi. A chaque découverte, Spawn réalise que son passé était pourri et son présent terrible. La série devient alors de plus en plus sombre. Al utilise son passé (les archives de l’armée, des armes dans un local militaire) pour améliorer son présent.

On découvre progressivement l’ennemi principal de ce tome. Le Violateur travaille pour le diable mais, contrairement à Spawn, il adore son job de tueur de masse. Ses paroles sont effrayantes mais son corps est ridicule : un petit clown en surpoids portant un vieux costume déchiré. Le combat tant attendu contre le Violator arrive par surprise.

Un héros sous influence

Ce résumé peut vous évoquer de nombreuses références romanesques, filmiques ou de la bd. Il y a tout d’abord Batman. Al Simmons semble adorer s’installer de nuit sur les toits des églises. Comme Spider-Man, Spawn ne cesse de se poser des questions. Ce n’est pas un hasard car elle est née dans les années 1990 au moment d’un grand boom de l’indépendant. Des dessinateurs stars montent leur propre série. Spawn est né dans l’esprit de Todd McFarlane, dessinateur de Spider-Man qui a voulu quitter Marvel pour être plus libre dans les récits et être propriétaire de tous les droits. McFarlane pousse à fond les boutons des comics de super-héros. L’ambiance est plus sombre, la violence explicite et plus forte. Une autre réussite est de mettre en avant plusieurs personnages afro-américains. Des thèmes restent très actuels.

Le récit est simple : deux lignes narratives avancent en même temps sans changement temporel. Spawn est plongé dans une quête amoureuse et personnelle. Il veut retrouver sa femme pour récupérer ses souvenirs puis se venger. Ailleurs, des meurtres en série de tueurs de la mafia sont réalisés par un tueur caché ce qui déclenche une enquête du duo de policier Sam et Twitch. D’autres scénaristes sont invités pour plusieurs épisodes. L’épisode huit écrit par Alan Moore change totalement d’ambiance. On quitte la ville et le réalisme pour la campagne et le mysticisme avec un narrateur dérangeant puisque c’est un tueur pédophile. L’épisode neuf est écrit par le scénariste de Sandman qui imagine une Spawn chevalier et la chasseuse de démons Angela. Dave Sims, créateur de la trop méconnue série Cerebus, construit un récit méta très personnel sur l’industrie des comics. Les créateurs travaillant pour les grands groupes sont condamnés selon lui et la seule solution est l’indépendance créative. L’épisode onze de Frank Miller présente un New York proche du Gotham, une longue nuit où circulent des petits truands, des mafieux et des gangs.

Une édition uniqueUn dessinateur explosif dans Spawn

Cette édition anniversaire est exceptionnelle à plus d’un titre. Elle n’est éditée qu’en France et comprend pour la première fois les quinze premiers épisodes de la série. En effet, les épisodes écrits par Neil Gaiman et Dave Sims étaient inédits depuis leur parution dans des revues dans les années 1990. Le livre s’ouvre par une préface de McFarlane sur les liens forts entre Spawn et Delcourt

On trouve également de nombreux bonus en fin de volume avec le « Director’s Cut » de l’épisode un. Todd macFarlane revient sur toute l’histoire de ce premier numéro. Il explique l’origine du design du titre, du logo d’Image puis chaque page est commentée en détail par le créateur. Delcourt ajoute les croquis des premiers essais sur le personnage alors que le dessinateur est encore adolescent.

Œuvre majeure des comics indépendants depuis les années 1990, Spawn continue à être une lecture aussi agréable qu’un film d’horreur du dimanche soir. Par ses talents de dessinateur, Todd McFarlane installe une ambiance gothique efficace. Les rebondissements se multiplient offrant au lecteur un grand plaisir de lecture.

Pour aller plus loin, d’autres chroniques sur des séries de super-héros vous attendent avec Ninjak (lien) et X-O Manowar.