Dans le troisième tome de Chez Adolf, vous assistez à la fin de la Seconde Guerre mondiale mais, loin des zones de combat. L’éditeur Delcourt propose de continuer à suivre le quotidien des civils allemands à l’arrière. Découvrez comment ils assistent à la fin de l’effroyable rêve nazi.
Vivre la chute
Après l’ascension du nazisme du premier volume, l’entrée en guerre dans le deuxième, ce troisième tome de Chez Adolfdécrit le début de la chute. Dans l’immeuble, le rêve de 1933 est bien loin. Avec les défaites, les morts militaires et civils s’accumulent. Les inquiétudes et les restrictions sont quotidiennes. En raison des bombardements alliés, des familles se retrouvent sans logement. La solidarité s’organise. Karl Stieg accueille chez lui Mona et une histoire commence malgré un quotidien de plus en plus difficile.
Au centre de Chez Adolf, la vie d’un homme banal, professeur de littérature célibataire, est bouleversée par la grande histoire. Karl Stieg ne perçoit pas les changements tant qu’ils n’ont pas touché ses voisins. Ce professeur est sans relief. Il attend et n’agit pas. Il a adhéré au parti par obligation. Il trouve une épouse par hasard. On ne se dit pas tout au sein du couple. Même si les défaites s’accumulent, on n’ose espérer la chute d’Hitler. En effet, la surveillance du parti est omniprésente. Stieg est choisi comme directeur d’école après la mort du prédécesseur mais il est objet d’une enquête. On retrouve alors le fil rouge de son secret…
Vivre ensemble
Par Karl Stieg, on suit tout un immeuble et un quartier. Le scénariste Rodolphe propose dans Chez Adolf une vision chorale pour montrer la diversité des réactions et villageoise pour sortir de la figure héroïque ou démoniaque. On ne voit pas le front mais le lecteur ou la lectrice comprend que le quotidien est métamorphosé par le totalitarisme. Un cafetier est triste depuis qu’il a perdu sa femme d’un cancer. Ce nazi de la première heure doute mais ne peut le dire à cause de la répression. Il critique à demi-mots les défaites et l’alourdissement des taxes pour financer la guerre. Les bombardements alliés déstructurant la vie des civils se voient quand Karl Stieg héberge une femme qui a perdu son logement puis quand ils se rapprochent du quartier. Chaque locataire doit se réfugier dans la cave porter un masque à gaz et avoir une position définie.
Un discours de Goebbels minimise la défaite de Stalingrad et illustre la radicalisation finale du régime. La guerre devient totale. Les boutiques de luxe sont fermées et les femmes doivent aller dans les usines d’armement. Cette dureté quotidienne forme un contraste violent avec l’élite des SS qui s’amuse dans un château en campagne. On découvre également le contexte musical par la chanson Lili Marlen. En raison de la propagande, la vérité du front de l’Est ne se voit que par le récit d’un soldat en permission chez sa femme voisine du professeur. Ce contexte passe aussi par l’image comme ces élèves levant le drapeau dans l’école de Stieg. Le dessinateur Ramon Marcos fait le choix de formes douces et d’un style classique qui contraste avec le propos de modernisation du récit sur le nazisme. De la même manière, les couleurs chaudes et le ton pastel du coloriste Dimitri Fogolin s’opposent à la tonalité sombre du récit de Chez Adolf.
Ce troisième tome de Chez Adolf a le talent de présenter autrement le sujet mainte fois parcouru de la bd sur la Seconde Guerre mondiale. La guerre n’est pas héroïque mais quotidienne. L’horreur du nazisme et de la violence n’en sont que plus insupportables. On peut penser que le tome suivant portera sur la période moins traitée de l’épuration, la division du pays pendant la guerre froide.
Vous pouvez trouver d’autres chroniques historiques sur la montée du nazisme avec La part de l’ombre et Hitler est mort.