Qu’est-ce qui fait d’un personnage un héros ? Ses pouvoirs, son costume, ses aventures ? Peut-être, mais c’est surtout la galerie de ses adversaires. Aucun autre super-héros n’a une si terrible collection que Batman comme le prouve ce volume sur Le Sphinx.
Le meilleur de l’énigme
Voulant mettre en avant le passé, Urban comics propose deux collections de compilation autour du super-héros de Gotham. Comme nous l’avions chroniqué dans la Batcave, Mythology présente des lieux, des objets et des personnes de l’entourage de Bruce Wayne. A l’inverse, Batman Arkham visite la face sombre de la ville, les patients de l’asile d’Arkham. Après le glacial Mister Freeze ou la vénéneuse Poison Ivy, voici l’énigmatique Sphinx. Edward Nygma, alias le Sphinx, est un vilain très particulier. Contrairement au Pingouin, il ne recherche pas la fortune. Il n’a ni la fibre écologique de Poison Ivy, ni la folie criminelle du Joker. Passionné par les énigmes, il kidnappe des personnes, installe des bombes ou des pièges pour forcer Batman à agir. Son objectif est de voir le héros échouer pour prouver qu’il est le plus intelligent. Pour cela, il est prêt à tuer… et surtout à tricher.
Des références de l’histoire des comics
En parcourant les pages de cette compilation, on constate que le Sphinx a fasciné tout autant des scénaristes reconnus de comics – Bill Finger, Neil Gaiman et Steve Englehart – que des dessinateurs majeurs – Carmine Infantino. L’organisation chronologique du livre permet d’apprécier l’évolution stylistique et thématique des comics. Avec un ennemi si ancien, l’éditeur offre des épisodes s’étalant de 1948 à 2013. Le lecteur peut trouver les épisodes des années 40 naïfs. Cependant, comme dans Marvel-Verse Spider-Man, cette période des fondements des comics recèle de nombreux trésors. Les bases sont déjà posées mais aussi le jeu avec le lecteur. Le Sphinx donnant son énigme, le lecteur peut tenter de deviner la réponse avant de lire et donc être plus fort que son héros Batman.
Découvrir les anciens épisodes c’est aussi pénétrer les coulisses de la création et de l’évolution de Batman. La création du Sphinx viendrait de la passion de Bill Finger pour les anecdotes. Très peu utilisé jusqu’aux années 1960, son retour correspond à la volonté de modernisation du Batman New Look et sa popularité explose avec la série télévisée. Mais, son caractère fantasque cadre mal avec la noirceur des années 1980. L’avant-propos explique parfaitement les mutations du personnage par les séries, les films et surtout le talent des artistes de comics qui donnent une nouvelle interprétation de cet homme mystère. Neil Gaiman fait du criminel un homme vieillissant en quête de récit et regrettant le fun passé et la noirceur actuelle. Chuck Dixon en fait un malade dans une quête obsessionnelle d’un auditeur. Il devient un animateur télé avec Matt Wagner alors que Steve Englehart montre qu’il a tué Batman…
Des recoins méconnus
Le Sphinx est aussi l’occasion de lire – parfois pour la première fois en français – des épisodes méconnus. Le scénariste Don Karr propose à Batman une association contre-nature avec le Sphinx. Les trois épisodes centraux écrits par Steve Englehart sont un très étrange récit sur l’âme. Le dessin de Dusty Abell semble tout aussi étrange par une pureté froide très réussie.
Loin d’être une tortueuse énigme, Le Sphinx est la meilleure compilation pour découvrir ce vilain fantasque au début puis de plus complexe. Par ce nouveau tome, Batman Arkham confirme son statut de meilleure série anthologique d’Urban. Les ennemis de Batman étant encore nombreux, la collection se poursuit en février avec le roi de la terreur, l’Épouvantail.
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