Les Humanoïdes Associés rééditent pour la première fois deux récits d’un illustrateur reconnu, Caza. Cet évènement est une bonne porte vers un imaginaire fort mais ce titre futuriste est-il toujours d’actualité ?
De l’illustration à la narration
Pour les fans de science-fiction, Philippe Cazaumayou dit Caza est surtout connu pour ses illustrations érotico-cosmiques sur les couvertures de J’ai lu science-fiction mais il a aussi une œuvre importante dans la bande-dessinée. Il a commencé sa carrière artistique par une bd, Kriss Kool, et a réalisé de 1989 à 2008 la longue série, Le Monde d’Arkhadi. Les Humanoïdes Associés prouvent son talent par la réédition d’Arkhé et de Laïlah, plusieurs nouvelles en bd publiées dans le magazine Métal Hurlant. Le lecteur est d’abord subjugué par les propositions graphiques de Caza : les paysages, la mutation d’un humain en oiseau, la beauté des corps féminins. La colorisation reste impressionnante des années après alors que Caza a commencé sa carrière par le noir et blanc.
Même s’il n’est pas le seul scénariste, Caza est ici totalement maître car il est à la fois scénariste, dessinateur et coloriste. Il pousse le contrôle jusqu’à se charger du lettrage. Ce volume ne contient pas juste les deux récits du titre mais il s’agit d’une compilation de courtes histoires très différentes. Le volume s’ouvre par deux titres de quelques pages sans dialogues où Caza semble découvrir la narration en bd. Ensuite, un récit est un texte illustré et la dernière nouvelle utilise bien plus les dialogues.
Genèse d’un art et récit de genèse
Caza est pleinement dans son époque. Il n’écrit pas une science-fiction réaliste ou guerrière. Il mixe la folie, l’absurdité et le refus des contraintes. Ses récits apportent une vision psychédélique et mystique. Il s’inspire notamment de la cabale de Lilith puis reprend le mythe de l’Arche de Noé dans un univers futuriste complètement décalé. Le lecteur suit sur des milliers d’années une arche qui ne s’ouvre pas alors que le monde change. Les océans montent, les animaux apparaissent puis l’humanité surgit. Voyant, cet objet unique, elle le considère comme un signe divin puis se l’approprie. On découvre la faiblesse de l’Homme qui ne fait que passer à la surface de la Terre. Rien ne dure. Dans ce récit bouddhiste, Caza dépose des clés mais demande au lecteur de réfléchir pour se construire son opinion. Par exemple, le monde autour de l’arche passe par plusieurs états comme dans l’alchimie. Caza écrit plus souvent sur l’apparition d’un être divin messianique mais souvent démoniaque dans un monde en crise. On retrouve souvent le rapport entre la nature, l’humanité et un objet étrange, un peu comme dans le film 2001, l’Odyssée de l’espace.
Ses mondes oniriques sont décrits par un texte très poétique mélangeant la scansion, la rime et des mots du vocabulaire scientifique. Ce texte fait rêver le lecteur dans Axolotls ou l’écœure dans M le Maudit. Ce livre n’est cependant pas fait pour les plus jeunes car Caza tourne souvent autour du sexe comme les deux premiers récits érotiques, Sanguine et Hydrogénèse. Que ce soit par des vaisseaux phalliques rencontrant une planète vulve ou des images plus explicites, la sexualité parcourt le dessin.
Par essence, une compilation offre une diversité et chaque lecteur peut apprécier plus un récit. L’un peut apprécier les pages sans dialogues et un autre se plonger dans les textes illustrés, un troisième adorer les pages en noir et blanc et un quatrième être soufflé par les couleurs. Mais la plupart seront impressionnés par l’alliance entre de splendides dessins et des messages ésotériques à déchiffrer.
Vous pouvez trouver d’autres chroniques sur les sorties des Humanos avec Le dernier secret d’Hitler et Le sang des Immortels.