Le grand dessinateur Chris Samnee s’associe avec son épouse pour créer une série sur ses filles. Égoïste ? Non car le tome un de Jonna est une brillante réussite publiée par 404 comics.
Des filles contre des dinosaures
Alors qu’elle chasse des monstres géants en forêt, la jeune Jonna disparaît et, depuis un an, sa sœur Rainbow est à sa recherche. Rainbow débute sa quête dans un quartier mal famé rassemblant des réfugiés, des mendiants et des amputés. Jonna est un récit familial mais également une fable écologique. A cause des ravages provoqués par les montres, ce monde n’a ni forêt ni d’animaux et Rainbow garde sur elle la dernière plume d’oiseau pour lui porter chance. On se rend compte que ces monstres n’ont pas seulement ravagé la Terre mais aussi brisé des familles. Cependant, très peu de choses sont expliquées car l’essentiel passe par l’image. On peut voir les différences entre les deux sœurs par leur attitude mais sans un mot. Rainbow, la plus grande fine et élancée est toujours ancrée au sol alors que Jonna plus trapue virevolte partout. L’enfant sauvage se salit en mangeant à côté de sa grande sœur éduquée dégustant le repas avec une cuillère.
Comme les précédentes sorties du jeune label 404 comics, le livre est superbe, en particulier, la première édition qui inclut un poster détachable. La couverture brillante et mat donne envie d’ouvrir ce livre. 404 comics a toujours la bonne idée au tout début du livre de détailler en peu de mots le papier sélectionné et les raisons du choix. Cette fois-ci, l’éditeur vous remercie même de l’achat et propose en fin de volume de nombreuses couvertures alternatives et des croquis.
Un cadeau pour elles et pour tous
Jonna est une œuvre à part dans la carrière du dessinateur Chris Samnee. Il quitte les licences de super-héros comme Daredevil pour créer une œuvre personnelle et même familiale. D’une part, il ne se contente pas de réaliser d’incroyables dessins mais il co-scénarise avec son épouse Laura. D’autre part, il a créé son histoire prévue en trois volumes pour ses filles.
Chris Samnee s’éclate totalement dans les dessins en rassemblant tout ce qu’il aime : ses filles et les kaijus. Certains monstres font penser aux débuts de DragonBall. En effet, le trait de ce génie des comics arrive à fusionner les différents courants de la bande dessinée en un ensemble cohérent. Dans une case, on identifie la ligne claire, alors qu’une scène de combat rappelle la décompression narrative du manga. L’introduction est soufflante par la beauté des pages et le découpage qui rend stressante une course d’une jeune fille dans une forêt. Samnee joue beaucoup sur les échelles entre des monstres géants, des humains et des petits insectes. Le lecteur peut profiter de ces talents par les nombreuses pages muettes. Ces planches sont essentielles non seulement pour l’ambiance mais elles ont une raison d’être dans l’histoire. De simples onomatopées illustrent le choc des monstres. Quand un survivant évoque un souvenir traumatisant, son ombre devient une scène de combat. Les couleurs ont aussi un grand rôle car le monde vert du début est remplacé par une ville boueuse.
Dès ce premier tome, Jonna se révèle une des plus belles bd dans le registre de la jeunesse actuelle. Chris Samnee a rarement été aussi impressionnant. Un souvenir intime fait place à un combat entre deux monstres titanesques dans une scène de combat très inventive et haletante.
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