Les monstres géants existent, tout le monde le sait depuis Godzilla et King Kong, mais que deviennent-ils une fois qu’ils ont été vaincus ? Zander Cannon nous donne la réponse dans Kaijumax édité par Bliss éditions.
Pour ceux qui n’ont pas franchi les portes du pénitencier
Vous avez tort car Kaijumax est une des meilleures séries actuelles mais surtout, vous avez de la chance de découvrir un univers proprement incroyable. Les monstres mythologiques, les extraterrestres gigantesques et les robots démesurés menacent les villes dans le monde entier. Ces êtres ont dominé la Terre pendant des millénaires mais les êtres humains ont trouvé la parade : les enfermer sur Kaijumax, une île en Océanie réservée à des prisonniers de grande taille. Dans le tome un, le monstre Electrogor vient d’y arriver alors qu’il était parti en quête d’électricité pour nourrir ses deux enfants. Il va devoir survivre entre rivalités des gangs et trafic d’uranium mais cherche surtout à s’échapper pour rejoindre ses enfants isolés.
Même si les dessins aux traits ronds et aux couleurs très pop peuvent paraître enfantin, c’est loin d’être le cas. Zander Cannon, à la fois scénariste, dessinateur et coloriste, vous plonge dans un hommage complexe et adulte aux kaijus, ces monstres japonais géants. En effet, ce mélange entre des films faits pour enfants et la violence représentée avait fasciné l’auteur. Cette influence japonaise passe par le vocabulaire : chaque monstre a un nom de tokusatsu donné par les humains… De nombreux personnages viennent des films de monstres : un petit garçon vient d’Ichiro dans La revanche de Godzilla, les gardiens sont inspirés de la série de film Ultraman. L’éditeur Bliss a d’ailleurs la bonne idée d’adapter le format du livre et le design extérieur au projet : la couverture et la tranche imitent un magazine japonais de manga. Mais l’auteur s’inspire aussi des dessins animés américains Transformers. Comme dans les films, des administrations aux noms farfelus sont inventés : H.E.R.O.Ï.S.M.E. pour garder les prisons et G.E.N.I.A.L. pour la police. Cannon organise sa série en saison comme Prison Break.
Pour ceux qui connaissent Electrogor
Vous aurez la joie de retrouver certains thèmes. On est toujours pris par ce drame carcéral où différents clans raciaux cherchent à s’imposer dans la prison par la violence, la manipulation et le trafic. Des robots géants veulent imposer aux autres leur code religieux alors que les prisonniers cherchent à s’évader par une drogue, l’uranium. Les délinquants finissent souvent mal mais, dans les marges de la prison, certains prisonniers se créent une place confortable. Kaijumax est aussi une parabole écologique sur la difficulté de concilier deux modes de vie entre monstres géants et humains.Les animaux géants veulent juste se nourrir et les hommes attaquent sans discuter. Par manque de place, à cause de la pollution et donc de la pression humaine, faut-il parquer ou supprimer ces titans ? L’auteur ajoute aussi un sous-texte racial. Certains humains préféraient la justice expéditive avant l’intervention des politiques qui ont créé la prison.
Mais Cannon étend également son univers. En effet, dans le volume deux, on suit moins un seul personnage qu’une guerre des gangs sur l’île-prison entre le jeune Whoofy héritier de la mafia de son père et des concurrents voulant lui voler le très profitable trafic d’uranium. En effet, Kaijumax est aussi un récit sur des familles. Whoofy est un demeuré méprisé par son père mafieux, Singe-baleine qui a bien changé grâce à un enfant humain apparaître. Vous découvrirez même la prison pour femmes. Le Dr Zhang, la doctoresse carcérale, qui a eu une relation avec un détenu se retrouve au milieu d’accros à l’uranium, d’arnaqueuses et d’horreurs lovecraftiennes.
A l’image du premier volume, Kaijumax est un véritable piège. Si on feuillete le livre, on peut croire par le dessin qu’il s’agit d’un récit joyeux sur les monstres et la prison. Mais, une fois que l’on a lu le premier chapitre, on est totalement accro à ce monde sombre et surtout à ces personnages forts et profondément humains même s’ils ressemblent à des monstres. Cette série est un des immanquables à apporter en vacances en attendant le troisième et dernier volume.
Si les histoires de géants vous intéressent, vous pouvez découvrir la chronique sur Big Girls et sur un géant de musique française, Michel Magne.