La nef des fous, Coup de théâtre dans le palais

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Turf apporte une nouvelle pierre à son royaume avec ce onzième tome de La nef des fous. Pénétrez dans le palais avec les deux enquêteurs les plus maladroits d’Eauxfolles dans Coup de théâtre.

Un royaume bancal mais pas banal

A la fois scénariste et dessinateur, Turf est totalement maître de cette série à part qui a définitivement quitté les rives de la logique et s’éloigne de plus en plus des plages du sérieux pour préférer accoster dans le continent de l’absurde. Ce nouveau tome en est une nouvelle preuve. Après avoir assisté à une attaque de dindes et démantelé une culture sauvage de coloquintes, on rentre dans le tragique dans ce onzième tome paru le 16 juin avec l’enlèvement de la Reine à Eauxfolles. La disparition s’est déroulée dans le théâtre du palais lors d’une représentation du magicien Hidinou. Étrangement, l’enquête est menée par Pacôme Leboulet et Célestin Parfait, deux pages chargés de l’entretien du palais. Mais, il s’agit des inspecteurs Baltimore et Bonvoisin. Pour être libres de leurs gestes, ils se sont (mal)habilement déguisés et se sont (mal) faits de faux-papiers. En effet, Bonvoisin ne compte pas se laisser voler l’enquête du siècle par l’inspecteur Roussin.

Enquête dans La nef des fous

Les enquêteurs suivent les passages obligés du polar : passer le ruban délimitant la scène de crime, rechercher des indices, trouver un suspect… mais à chaque étape, il y a un problème. Baltimore se volatilise pendant la reconstitution. Pire, la logique de Bonvoisin fleurte dangereusement avec la mauvaise foi et conduit très vraisemblablement à une erreur judiciaire. La nef des fous ne se prend donc jamais au sérieux. Le rire vient souvent des dialogues comme le sergent Bonvoisin qui, ayant rarement fait preuve de malice, est persuadé qu’il fait trop intelligent pour passer pour un page. La diversité du vocabulaire entre deux cases amuse alors que la parodie d’un rapport de police en dialogue fait mouche. Les images ne sont pas en reste comme cette autolaveuse dévalant les marches du palais sans contrôle mais avec Baltimore et Bonvoisin comme passager.

Un royaume de plus en plus vaste

Cette série est publiée depuis le premier tome par Delcourt et l’ensemble forme une vaste saga qui ravit les fans. D’ailleurs, chaque page a une double numérotation : celle du volume et celle de la saga depuis le premier tome. On retrouvera d’ailleurs le roi Clément XVII un pyjama et son perfide (ex-)conseiller Ambroise Marcellus bien qu’ils restent à l’arrière-plan pour laisser la place aux duos de policiers gaffeurs. On retrouve le running gag de leur accident de voiture.

Turf s’offre de plus en plus de liberté. Il s’amuse à pasticher La Cène de Léonard de Vinci dans une case mais surtout, comme l’indique le résumé au dos du livre, le scénariste a totalement bouleversé la chronologie en commençant par le chapitre deux avant de placer la première partie sous forme d’un théâtre d’ombres. Cette partie est étrange car le scénario multiple les fausses pistes pour (ne pas) raconter le meurtre. Graphiquement, ces pages sont aussi à part. Non seulement, on voit surtout des silhouettes noires mais la colorisation et l’encrage sont également différents du reste du livre. Ce onzième volume est aussi l’occasion de découvrir des compartiments méconnus de La nef des fous. On visite les geôles accompagnées de l’inspecteur Roussin et un nouveau corps d’État apparaît avec la podespo, la police des polices.

Accident absurde dans La nef des fous

Vous qui pénétrez à Eauxfolles abandonnez toute logique et laissez-vous embarquer dans La nef des fous par ce onzième tome. Le néophyte sera parfois un peu perdu mais une fois qu’il aura bien ri, il sera conquis et désirera en connaître plus.

Vous pouvez également retrouver sur ce lien la critique du tome 9 de cette série ainsi que celle sur Sélénie, une autre œuvre absurde.