Le filage de la pièce Les Présomptions Saison 2, se poursuit au théâtre du Mouffetard à Paris. La pièce aborde, dans l’univers d’un aéroport, les questions de représentations de genres au sein de la société à travers trois scénettes d’une vingtaine de minutes chacune.
La Saison 2 des Présomptions, débute dès le passage au guichet. Un échantillon de parfum est distribué au spectateur, ce dernier est invité à déterminer s’il s’agit d’un parfum pour femme ou pour homme. Puis à se rendre dans la salle en empruntant le chemin correspondant à son choix.
Sur scène, deux panneaux affichent le nombre de personnes ayant choisi l’une ou l’autre des réponses. Suite à quoi, la question « Avons-nous le choix, dans nos choix ? » est posée.
Des sujets primordiaux abordés avec intelligence et humour…
La Saison 2 des Présomptions est construite à l’image de la précédente. La pièce est divisée en trois épisodes d’une vingtaine de minutes au cours desquels nous retrouvons les mêmes personnages que dans la saison 1, dix ans plus tard, dans l’univers d’un aéroport.
Dans la première scène, trois amis font la queue pour passer le portique de sécurité lorsque l’un d’entre-eux remarque que l’agent de sécurité est une femme. Au fil de la discussion, le spectateur peut rapidement distinguer trois caractères et trois opinions bien distinctes. Quand l’un des trois jeunes hommes semble être sensé, un autre avance des arguments aberrants et moyenâgeux tandis que le troisième est un véritable benêt.
Le dialogue qui s’installe entre ces trois personnages est d’une justesse sans failles. Il invite le spectateur à s’interroger sur des sujets de société tel que l’occupation de l’espace public en fonction de son genre. Les arguments avancés peuvent facilement être entendus dans la vie courante. Et les réflexions parfois stupides ou maladroites font toute la puissance et l’intelligence du dialogue, qui apparait d’autant plus véridique.
Plusieurs réflexions émergent de la première scène : Y a t-il encore un genre attitré aux métiers aujourd’hui ? Faut-il absolument être un homme pour être agent de sécurité ? Pourquoi les femmes ne pourraient-elles pas exercer les mêmes métiers que les hommes ?
La deuxième scène se concentre sur un couple qui discute dans une parfumerie au duty-free de l’aéroport. Après avoir humé un parfum, l’homme affirme que ce dernier lui plaît. Mais la femme trouve que l’odeur est celle d’un parfum pour femme. Un débat animé s’installe alors rapidement dans la discussion.
Cette scène aborde avec brio les questions sur les stéréotypes de genre, l’attribution d’un genre à un parfum. L’ingéniosité qui se dégage du dialogue est prodigieuse. La discussion du couple met en lumière avec beaucoup d’humour la mauvaise foi dont nous sommes tous (parfois) victimes. La chute, qui est brillante, est astucieusement amenée. Cette scène de ménage est un pur régal !
La dernière scénette se déroule sur la passerelle d’embarquement d’un avion. Quatre jeunes femmes jouent à occuper autrement leur place sous les regards étonnés de leurs compagnons et de la foule. L’attitude des quatre femmes met en lumière de manière humoristique et intelligente la question de l’occupation de l’espace public en fonction de son genre.
Un certain nombre de questionnements émerge suite à la dernière scène. Pourquoi les femmes ont-elles tendance à s’écraser en société ? Les hommes prennent-ils toujours deux fois plus de place que ce dont ils ont besoin ? Pourquoi les femmes changent-elles leur manière de parler en présence d’hommes ? La place des femmes dans la société sera t-elle un jour égale à celle des hommes ?
La pièce traite des questions de genre et de ses représentations, les questions d’occupation de l’espace public, les différences entre les hommes et les femmes… Tous ces questionnements encore nouveaux dans la société sont traités avec intelligence et humour. Par ailleurs, la particularité du langage dans les pièces de Guillaume Poix est l’absence de ponctuation. À la fin de chaque ligne, une trajectoire de pensée s’interrompt et propose une suspension. Un temps de pause qui permet la réflexion, et parfois, la remise en question.
… Mais une mise en scène qui laisse sur sa faim
Comme dans Les Présomptions Saison 1, Le printemps du machiniste a recours à la marionnette. La mise en scène, signée Louis Sergejev, accompagne le spectateur jusqu’au décollage, avec une scénographie logique et des pantins dont l’échelle diminue au fil des scénettes.
L’utilisation de marionnettes permet de mettre à distance le quotidien et faire ressortir les rendez-vous manqués dans nos échanges. Et plus particulièrement dans les relations entre hommes et femmes. L’interprétation du texte et l’animation des marionnettes sont impeccables. La synchronisation de la parole, des gestes et de la musique est impressionnante et relève d’une parfaite maîtrise.
Le metteur en scène, Louis Sergejev, explique dans une note d’intention le choix de l’aéroport:
« Dans la saison 2, je souhaite interroger l’architecture des aéroports, nommés « hyper- lieux » par l’anthropologue Michel Lussault. Il décrit ces endroits où le corps est contraint, par le pouvoir de la peur et de l’argent, induisant un espace de marquage social intense.«
La scénographie constituée d’éléments modulables en métal et en béton se réagence à chaque épisode pour former un nouvel espace. Si les matières des éléments du décor sont appropriés, leur agencement sur scène est bien pauvre et rappelle difficilement un aéroport.
Les Présomptions Saison 2 convoque, par ailleurs, les codes du cirque, avec l’invention d’un agrès, entre échelle de théâtre, plateforme d’embarquement et bascule. A la fin de la dernière scénette, l’interprète se place debout sur l’agrès et délivre son texte. Malheureusement, l’engin semble si peu stable, que l’attention du spectateur se concentre plutôt sur la chute potentielle de l’actrice que sur ce qu’elle dit.
L’ambiance sonore, quant à elle, ne rappelle pas tellement celle d’un aéroport, mais plutôt une séance de méditation dispensée par un shaman. Dommage.
Une mise en scène qui ne rend pas justice à l’intelligence de la pièce, aux dialogues truffés d’ironie et aux questionnements proposés.
Le Printemps du machiniste et Le Mouffetard
Le collectif Le printemps du machiniste rassemble des artistes issus des disciplines du théâtre, de l’écriture, de la musique, de la photographie et des outils numériques. La marionnette est l’outil central de chaque spectacle. Le collectif veut « trouver la faille, s’immiscer dans la machine, mettre des bouts de chair dans des bouts de fer. »
Normalien et diplômé de l’ENSATT en écriture dramatique, Guillaume Poix est comédien, metteur en scène et dramaturge. En 2016, le collectif Le printemps du machiniste lui propose une collaboration. Il accorde les droits d’exploitation de la pièce Les Présomptions.
Le Mouffetard – Théâtre des arts de la marionnette installé au cœur du 5e arrondissement de Paris est une institution unique en France. Elle se donne pour mission de défendre et promouvoir les formes contemporaines des arts de la marionnette dans leur plus grande diversité. L’institution souhaite s’adresser autant à un public adulte qu’à un public enfant.
Les Présomptions Saison 1
La première saison des Présomptions créée en 2016, mettait en scène des adolescents dans l’espace urbain.
Des jeunes raillent le physique d’un passant mais se prennent finalement à leur propre piège. Une fille et un garçon échangent avec candeur sur les différences de genre et leurs ressemblances.
La pièce traite de la jeune génération mais aussi d’un thème plus universel : l’incommunication entre les individus. Cette série théâtrale entend interroger les non-dits et le risque de préjuger de la réalité.
Les Présomptions Saison 2, texte de Guillaume Poix, et mise en scène de Louis Sergejev.
Si vous aimez la programmation du théâtre du Mouffetard, découvrez la critique de la pièce Buffles par l’une de nos rédactrices.