Chaque héros de comics a besoin d’un lieu emblématique, d’un décor dans lequel exercer son activité. Tout comme le chevalier qui doit défendre le territoire de son seigneur, ces héros opèrent sur un territoire bien défini. Bien que New York soit considérée comme la capitale des super-héros aujourd’hui, elle ne parvient pas à égaler le charme gothique et ténébreux de Gotham. Qu’est-ce qui fait l’originalité de cette cité noire ? Comment est-elle devenue si célèbre ? Asseyez vous confortablement, Justfocus vous dit tout !
L’origine d’une cité
Un héritage New Yorkais
Durant ses premières aventures, Batman était basé dans une ville très semblable à New York. Le scénariste Dennis O’Neil la décrira comme:
l’île de Manhattan, sous la 14eme rue, à minuit, lors de la nuit la plus froide de novembre.
Cependant, entre 1939 et 1940, la ville ne fut jamais clairement nommée. Le nom de Gotham apparaît pour la première fois dans le Batman n° 4, publié en 1940.
Le co-créateur de l’homme chauve-souris, Bill Finger, a hésité entre plusieurs dénominations (Civil City, Coast City…) avant d’opter pour le nom d’un joaillier, trouvé dans l’annuaire : Gotham. Notons également que « Gotham » est le surnom donné à New York par l’auteur de La légende de Sleepy Hollow!
De plus, dans les comics, la ville est bâtie par un Norvégien, à l’image de la Nouvelle Amsterdam (nom d’origine de la ville de New York) qui avait été créée par des Hollandais. Frank Miller, l’un des grands auteurs de Batman, a d’ailleurs décrit cette ville comme une version nocturne de la grande pomme :
Gotham représente le côté sombre de New York, tandis que Metropolis, la ville de Superman, en symbolise le côté lumineux.
Une ville, une vision de l’art
À ses débuts, la ville était une version dépouillée de New York à l’image de certains tableaux précisionnistes, comme Power station-night de Preston Dickinson ou Behind the square de Niles Spencer.
La ville est alors représentée par des traits simples sur un fond coloré, comme le montre la couverture du Detective Comics n° 27.
Dès la fin des années 1940, avec le dessinateur Dick Sprang, Gotham devient plus colorée. Des publicités lumineuses et des néons viennent agrémenter les façades des bâtiments. Cette dimension moderne et festive s’accentue encore davantage dans les années 1950 et 1960, notamment par le biais de la série Batman !
« Back in black »
Dans les années 1970, l’Amérique est marquée par une sévère crise économique et la criminalité explose en milieu urbain. Cela a pour effet d’inciter les auteurs et les dessinateurs à rendre Gotham plus réaliste et plus sombre.
Cette cité autrefois moderne et radieuse prend alors l’allure d’une ville de roman noir composée de ruelles lugubres et voilées par les fumées des bouches de métro. Frank Miller en donnera sans doute l’une des versions les plus sombres, dans ses comics Batman year one et The dark knight return. Deux comics à lire absolument !
C’est à cette période que moulures, gargouilles, rosaces et autres statues se multiplient sur les bâtiments les plus emblématiques, offrant à la ville du crime une atmosphère gothique. D’ailleurs, le film de Tim Burton, sorti en 1989, a grandement participé à la « gothisassions » de la ville !
Un lieu intemporel
L’influence de l’art gothique
Gotham est en soit un mélange de styles architecturaux diverses et variés. Néanmoins, l’inspiration gothique, voir néogothique est prédominante. En effet, c’est le gothique qui lui donne son atmosphère si particulière, mystérieuse et romantique.
Style architectural apparu au milieu du XIIe siècle, le gothique se caractérise entre autres par de grandes baies qui laissent entrer la lumière et par des bâtiments ornés de moulures et de sculptures. C’est ainsi que Batman se retrouve souvent juché sur des gargouilles qui rappellent étrangement celle de Notre-Dame de Paris.
Pour ce qui est du néogothique, lui-même issu du gothique médiéval, on le retrouve dans les matériaux qui ornent la ville, le verre, la fonte et l’acier. Aussi, Gotham marie à merveille l’ancien et le nouveau, ce qui lui donne une identité propre et fait d’elle l’une des villes fictives les plus connues dans le monde !
L’art déco, une touche de modernisme
L’art déco fait son apparition à Gotham avec la série animée Batman, réalisée par Paul Dini et Bruce Timm.
Ce style architectural, dominant aux États-Unis, est particulièrement visible dans la forme pyramidale de certains gratte-ciels comme l’Empire State Building et le Chrysler building.
L’architecture Art déco, qui puise son inspiration dans le cubisme et le futurisme, auxquels elle emprunte ses motifs stylisés, ses formes géométriques et ses modelés lisses et synthétiques. Ainsi, à Gotham city les grands édifices comme le siège de la Gotham city bank ou la tour de Wayne Entreprise reprennent ces formes caractéristiques.
Comme à New York, les édifices Art déco de Gotham se concentrent surtout dans le quartier des affaires. Pour représenter les quartiers plus défavorisés, les auteurs font davantage référence à l’architecture industrielle, à travers des lieux comme La scierie Sionis.
Les habitations adoptent, quant à elles, le style Beaux-Arts. Celui-ci était particulièrement répandu en Amérique du Nord, pour la construction de bâtiments publics, de demeures privées, d’asiles ou d’hôpitaux.
Une ville en changement constant
Alors que Gotham city semble enfin avoir atteint son apogée architectural, on voit y voit apparaitre en 2011 de nouveaux styles. Avec la série Batman Gates of Gotham et l’épisode Batman la cour des hiboux, l’histoire de la ville et son esthétique sont retravaillées.
Ainsi, le steampunk et l’Art nouveau font leur apparition dans l’univers de l’homme chauve-souris. Le Steampunk est apparu dans les années 1980, sous la forme d’un genre littéraire mêlant histoire et anticipation. En effet, l’action prend place dans un XIXe siècle où la révolution industrielle a dépassé toutes les attentes.
Ces histoires, au contexte historique particulier, furent peu à peu à l’origine d’une esthétique propre. Une esthétique faisant la part belle à des éléments industriels tels que des tuyaux, des évents ou des conduits d’aération. Ces éléments ont naturellement trouvé leur place à Gotham qui est, à l’origine, une ville industrielle.
À l’image du Steampunk, l’Art nouveau fait lui aussi appel à des matériaux comme l’acier, le fer et le verre. Les formes élancées et courbes contrastent ainsi avec la verticalité de l’Art déco et la froideur du néo-gothique.
S’inspirant d’artistes tels que Victor Horta, les designers ayant travaillé sur les jeux vidéo Batman Arkham City et Batman Arkham Knight ont donné à Gotham une architecture unique. Celle-ci étant fondée sur la cohabitation entre différents styles architecturaux, cela témoigne de l’évolution et de « l’histoire » de la ville.
L’Art nouveau y est mis en valeur par des escaliers arborant des motifs de courbes et de contre-courbes, ainsi que par des bouches de métro présentant un décor proche de celui des entrées du Métropolitain de Paris.
C’est ce mélange des genres qui a fait de Gotham l’une des villes fictives les plus célèbres. Aujourd’hui, le néogothique, l’Art déco, l’Art nouveau et le Steampunk donnent une vraie identité à cette cité noire. Gotham demeure néanmoins, un exemple parmi tant d’autres. Le décor est essentiel à toute bonne histoire, aussi les comics utilisent l’architecture pour humaniser et donner une « épaisseur » historique à leurs personnages.