Etymologiquement, les super-héros sont des herôs, autrement dit, des hommes et des femmes dotés de capacités extraordinaires. À cet égard, ils sont les descendants des héros de l’Illiade et de l’Odyssée. Il semble donc naturel que les premiers auteurs et dessinateurs de comics aient puisé leur inspiration dans le répertoire mythologique.
Le modèle Grec
Construire un mythe
Les différentes mythologie, d’où qu’elles viennent, sont des récits imaginaires qui véhiculent l’histoire d’une communauté. Par définition, ils obéissent donc à des contraintes, notamment celle de ne pas pouvoir être modifié dans sa structure de base. Ces histoires peuplées de personnages hors du commun, permettent entre autres d’expliquer la création du monde. D’ailleurs, ces mythes étaient racontés devant un public et ce mode de diffusion orale favorisa une certaine évolution au fil du temps. Ainsi, leur structure générale changeait en fonction du contexte de la narration. Ajoutons que ces histoires pouvaient être véhiculées sous la forme d’épopée qui crée un sentiment d’admiration.
Les comics reprennent ces codes. Comme les grands récits antiques, les aventures de ces bandes dessinées sont peuplées de personnages aux pouvoirs hors normes. Superman, présenté dès sa création comme un être indestructible, est surpuissant et capable de voler. Spider-Man, lui est capable de gravir un gratte-ciel à main nue, tandis que le Surfeur d’argent peut respirer dans l’immensité de l’espace.
Crée des mondes qui s’adaptent
Comme dans les anciens mythes, ces personnages contribuent à expliquer la naissance du monde. Les récits de création développés dans la mythologie ont leur équivalent dans les comics. Comme leurs ancêtres, ils constituent une illustration symbolique de la perception qu’à l’homme de son propre monde. Chez Marvel, le comic intitulé Les éternels, rapporte ainsi l’histoire des « Célestes », une race extraterrestre supérieure qui créa l’humanité et nombre de mondes dans l’univers. Ce comic aura d’ailleurs droit a son adaptation cinématographique l’an prochain, ne la manquez pas !
Chez DC Comics, on retrouve cette notion de cosmogonie avec les « Lanterns », des combattants repartis en corps tirant leurs pouvoirs de couleur spécifique, les Green Lanterns représentent la volonté, les red lanterns, la colère,…
Notons également qu’au fil du temps les auteurs adaptent leurs histoires aux circonstances historiques et font évoluer leurs personnages pour rester en phase avec les lecteurs. À l’origine, Iron Man construisit sa première armure en étant prisonnier d’un camp vietnamien, puisqu’en 1963, la guerre du Vietnam faisait rage. Dans les années 2000, l’histoire du héros fut réécrite pour coller aux événements de la guerre du Golfe, c’est d’ailleurs cette version qui fut choisi pour son adaptation au cinéma en 2008.
Des dieux modernes
Un symbole d’espoir
Lorsque les premiers super-héros font leur apparition, la société américaine est en crise. Le krach boursier de 1929 a profondément affecté la société, entrainant ce que nous appelons aujourd’hui la Grande Dépression. Les citoyens sont en quête de repères, ils cherchent de nouveaux modèles. Se tournant vers les cultures européennes de l’antiquité, les auteurs de comics imaginent des exemples de vertus comparables aux héros d’hier. Dès son apparition, Superman apparaît ainsi comme un redresseur de torts qui risque sa vie pour sauver les opprimés. Il incarne l’espoir en un monde plus sûr et plus juste.
C’est un trait de caractère que partagent beaucoup de héros créés à la même période. Ainsi, Captain America symbolise l’Amérique et défend le peuple contre les espions nazis. Wonder Woman quant à elle, incarne une certaine idée de l’égalité entre les hommes et les femmes.
Etre l’égal des dieux
Les filiations entre les personnages de comics et les dieux de la mythologie peuvent être évidentes et assumées. Le personnage de Namor, qui apparaît pour la première fois en 1939, est ainsi directement inspiré du dieu grec Poséidon. Puissamment musclé, il arbore le trident, attribut principal du dieu des mers. Dans l’univers DC, Aquaman, l’équivalent du personnage de Namor, porte lui aussi l’arme du dieu Poséidon. De son coté, Flash, dont le costume est affublé de petites ailes, constitue une sorte de Mercure moderne sauvant les innocents grâce à sa vitesse. Ces personnages inspirés des divinités anciennes sont parfois amenés à combattre ou à côtoyer les dieux et déesses antiques qui font de récurrentes apparitions dans les différents univers. Zeus, le père des dieux, fait sa première apparition chez Timely Comics (Marvel) en 1940, dans le n°6 de Daring mistery comics.
Les dieux grecs sont aussi présents chez DC via le magazine New Teen Titans n°12. Dans cet ouvrage, les dieux affrontent l’équipe des Teen Titans !
L’Afrique comme inspiration
Avec le temps, les auteurs de comics ont cherché à atteindre un public plus vaste et plus varié, en diversifiant leurs sources d’inspiration. Ce phénomène apparaît, dès les années 1940, avec l’ennemi juré de Shazam, Black Adam. En effet, celui-ci tient ses pouvoirs de la mythologie Egyptienne, une source d’inspiration alors peu exploitée:
- Shou, pour l’endurance
- Héru, pour la rapidité
- Amon, pour la force
- Zéhuti pour la sagesse
- Aton, pour la maîtrise de la foudre
- Méhen, pour le courage
Marvel exploite également les mythes africains avec le personnage de Black Panther. Imaginé en 1966, l’aspect mythologique de ce personnage réside dans le mode d’obtention de ses pouvoirs qui lui sont conférés par la déesse-Panthère Bastet. Il s’agit d’une des représentations de la déesse féline Sekhmet, déesse vengeresse symbolisant la guerre et la violence exacerbée, mais aussi la protection contre le danger. À travers cette ouverture, Marvel illustrait sa volonté de toucher le public afro-américain et de prendre en compte la diversité de la population américaine.
Exploiter les mythes américains
La « maison des idées » s’est aussi inspirée de la mythologie amérindienne. Le personnage de Red Wolf, qui apparaît dans le n°80 d’Avengers, en 1970, tient ses sens surhumains de l’esprit du loup Owayodata. Ce dieu inventé pour l’occasion, peut être rapproché du dieu-loup vénéré chez les Iroquois, les Sioux, les Lakotas ou les Dakotas. Celui-ci était censé emmener l’âme des guerriers morts au combat dans les plaines du Grand-Esprit.
Il en va de même pour le personnage du Wendigo, apparu dans le n°162 d’Incredible Hulk, qui tient son nom d’une créature mythique amérindienne anthropophage. Issue des légendes de la tribu Algonquin, un Wendigo est un homme qui a subi une transformation. C’est une créature de grande taille, couvert d’une épaisse fourrure blanche, doté de crocs et de griffes acérées. Une description qui est respectée à la lettre dans la conception de ce personnage.
Thor, un exemple d’adaptation du mythe
Fils de Stan Lee
Apparu en 1962 dans le Journey into Mystery n°83, le dieu nordique de Marvel est aujourd’hui bien connu, surtout depuis son adaptation au cinéma en 2011.
Dans les années 60, Atlas comics (Successeur de Timely comics et futur Marvel) connaît une période de crise. Dans ce contexte, la société cherche à remonter la pente en proposant de la nouveauté à ses lecteurs. Cette opération est entre autre portée par Stan Lee. Celui-ci révolutionne le concept de super-héros en créant des héros plus humains, confrontés aux difficultés de la vie quotidienne. Cette méthode a pour but de faciliter l’identification du lecteur aux différents héros. C’est donc cette volonté de renouveau qui amène Stan Lee à se pencher sur la mythologie nordique.
D’aussi loin que je me souvienne, la mythologie nordique m’a toujours fasciné. Il y a quelque chose d’extraordinaire dans ces puissants Vikings aux casques à cornes et dans les histoires du Valhalla, de Ragnarok et des Ases, des démons du feu, sans oublier l’éternelle Asgard, demeure des dieux… C’est une source d’inspiration riche dans laquelle Marvel devait absolument puiser. – Stan Lee
Un personnage fidèle aux mythes
Rédigée au 13e siècle par le poète islandais Snorri Sturluson, l’Edda, principale source disponible sur la mythologie nordique, est constituée de plusieurs histoires qui ont tendance à s’entremêler. Marvel réussit à ordonner et à donner un semblant de chronologie à ces récits épiques auxquels elle se montre relativement fidèle. Dans l’ouvrage de Sturluson, Thor est un guerrier, très susceptible, ennemi juré du peuple des géants des glaces. Dieu du tonnerre et du ciel, il possède plusieurs attributs caractéristiques, à commencer par son célèbre marteau Mjolnnir. Une arme que l’on retrouve chez les peintures romantiques du 19e siècle. En effet, dans le tableau Thor combattant les géants, le héros est représenté son fidèle marteau en main.
Les attributs et le caractère belliqueux de Thor sont fidèlement repris dans les comics et l’éditeur reste fidèle au récit, jusque dans la mort du héros. Dans la mythologie nordique, les dieux ne sont pas immortels et Thor connaît une fin héroïque en affrontant le serpent de Midgard. Un épisode retranscrit dans le Thor n°380.
Un marteau qui se transmet
Comme la plupart des super-héros, Thor a su évoluer et s’adapter au fil des années. Lors de sa création, il s’inscrit dans la continuité des héros colorés et dynamiques créés par Marvel. Mise en valeur par le dessinateur Jack Kirby, il est, dés ses débuts, très apprécié par les lecteurs. Le temps passant, les auteurs décidèrent de faire évoluer le héros pour s’adapter au contexte et attirer un maximum de lecteurs. Ainsi, en 2017 le scénariste Jason Aaron et le dessinateur Daniel Acuña, créèrent un Thor féminin. Une héroïne que nous auront bientôt l’occasion de découvrir dans le prochain volet cinématographique du dieu du tonnerre, Thor love and thunder. Il y a beaucoup à dire sur celle-ci, mais nous ne voudrions pas vous divulgâcher involontairement l’histoire du film alors nous garderons le silence, pour l’instant…
Thor, Flash ou Shazam sont tous des exemples de l’influences qu’a la mythologie sur les comics. Dès la fin des années 1930, les auteurs s’y sont largement référés pour créer des histoires et des héros modernes. Si d’un point de vue formel, leurs réalisations s’avèrent particulièrement innovantes, leurs histoires restent imprégnées de références directement empruntées aux plus célèbres épopées antiques. C’est sans doute la raison pour laquelle les super-héros fascinent tant aujourd’hui. Comme les héros de jadis, ils sont intemporels.