En 1999, le premier épisode de la prélogie Star Wars : La Menace Fantôme sort en salle. Le retour de la saga intergalactique déchire la communauté de fans qui ne sera plus jamais soudée. Aujourd’hui, 21 ans après ce come-back, la trilogie de George Lucas revient, à tort ou à raison, en grâce. Une génération de jeunes fans ayant grandi avec la prélogie est devenue adulte et la défend jusqu’à la mort. Le but n’est pas ici de relancer le débat. Mais de parler d’une autre trilogie de prequels bien plus mal aimée que la prélogie. À savoir Le Hobbit.
Focus sur la saga du Hobbit
Commencé il y a 8 ans, il est intéressant de revenir sur Le Hobbit aujourd’hui. Le cheminement de cette trilogie adaptée du livre éponyme, qui précède Le Seigneur des Anneaux, est assez étrange. Considérée comme l’un des projets les plus excitants des années 2010, la conclusion de la saga de Tolkien s’est finalement achevée dans l’indifférence. Alors qu’Amazon se prépare à dégainer sa série, il n’est pourtant pas impossible que Le Hobbit bénéficie d’une réévaluation de la part des fans, comme c’est le cas de nombreuses œuvres avant lui.
Écrire sur la trilogie du Hobbit est un choix intéressant, car rares sont ceux qui se sont attardés sur la trilogie en elle-même. Le Seigneur des Anneaux, et son petit frère sont pourtant des œuvres qui dépendent chacune des autres opus. Il est donc important de considérer chaque trilogie dans son entièreté. Or, pour Le Hobbit, rares sont ceux qui s’attardent à l’intégralité de l’œuvre. On parle plutôt de sa production chaotique, à commencer par l’excellent vidéaste Mr.Bobine.
Nous allons donc nous y intéresser d’un point de vue plus cinématographique. Et pour être franc-jeu, nous parlerons ici des versions cinémas. Etant donné que votre rédacteur n’a pas eu les versions longues en main. Focus donc :
Le Hobbit : une saga qui s’inscrit dans le haut du panier des blockbusters actuels
En revoyant Le Hobbit dans son intégralité et en le confrontant avec la majorité des blockbusters actuels (notamment au sein du MCU), il est malheureusement impossible de ne pas souffrir de la comparaison. Le Hobbit, en terme de mise en scène, écrase la production actuelle à l’exception de quelques miracles tels que Fury Road ou la trilogie John Wick. Pour résumer l’intrigue pour les trois du fond qui se sont endormis, Peter Jackson nous fait suivre le cheminement de Bilbo, un hobbit, ces créatures très proches du gentleman anglais dans un format minuscule avec d’immenses pieds velus. Notre brave Bilbo a une vie tranquille dans son confortable trou de Hobbit avant qu’un magicien, Gandalf, s’immisce et l’entraîne dans une quête en compagnie de 13 nains. Un voyage pour récupérer leurs trésors reposants entre les pattes d’un dragon vivant au cœur d’une montagne.
Cette histoire très simple est pourtant ce que l’on a offert de mieux au public en terme d’Héroïc Fantasy depuis Le Seigneur des Anneaux ou Game of Thrones. Il est rare d’avoir plus de 10 minutes sans avoir au moins une vision dantesque. Le paroxysme apparaît dans le climax du deuxième volet : La Désolation de Smaug. La colère du dragon réveillé provoque l’un des meilleurs moments d’action que l’on ait vue de la décennie. Cette scène qui est a couper le souffle est ce qu’il y a de meilleur dans cette trilogie.
Difficile ici de résumer toutes les scènes épiques présentes dans Le Hobbit. Peter Jackson, par ses mouvements de caméra, par la variation de jeu d’échelle encore plus ambitieuse que Le Seigneur des Anneaux, réussit un véritable tour de force d’une frénésie et d’une imagination folles. Ce n’est en effet pas tous les jours qu’on peut voir un nain chevauchant un cochon se jetant dans un affrontement avec des orques. Pour ne citer qu’une scène.
Le casting quant à lui est tout bonnement parfait. À commencer par l’inoubliable Martin Freeman absolument parfait en Bilbo. Richard Armitage incarne un Thörin quasi-Shakespearien. Tous les autres membres de la troupe des nains sont interprétés de manière extrêmement attachante. On notera évidemment Benedict Cumberbatch qui réussit à faire un Smaug terrifiant et fascinant. La confrontation entre Smaug et Bilbo ne manquera pas d’arracher un petit sourire aux fans de la série Sherlock. En voyant ainsi une opposition entre Holmes et Watson. Ian McKellen est évidemment toujours aussi impérial en Gandalf.
Mais alors qu’est-ce qu’on reproche à ce fichu Hobbit ?
Et bien c’est avant tout son scénario, et notamment l’adaptation du livre. En effet, transformer un petit livre de 400 pages en une trilogie de presque 9h pose problème. Peter Jackson a dû allonger son script par rapport au livre, et non raccourcir. Ce qui n’est pas forcément négatif : l’affrontement entre les nains et le dragon en devient tout bonnement épique. La bataille de 5 armées devient dantesque alors qu’inexistante dans l’œuvre de Tolkien.
Jackson se permet aussi de multiplier des sous-intrigues. Celle concernant Sauron, absente dans les bouquins, vient bien directement de Tolkien. Plus précisément de 150 pages qui forment les appendices du Seigneur des Anneaux. Difficile donc de faire plus fidèle à Tolkien et à la chronologie de la Terre du Milieu. En revanche, difficile de défendre le triangle amoureux composé de Filli, Tauriel et Legolas. Impossible d’en comprendre la présence ni l’utilité. Très clairement, cette sous-intrigue se montre peu efficace. Bien trop artificielle pour émouvoir qui que ce soit en dehors d’une jeune fille de 13 ans et ½ (et encore c’est irrespectueux pour ces pauvres jeunes filles).
On reproche aussi à Peter Jackson d’avoir trahi l’esprit initial du livre, bien plus enfantin, proche du conte pour enfants. Il est assez ironique de constater que c’est pourtant bien le premier opus, le plus fidèle au livre, qui se verra reprocher d’être trop enfantin. De plus, la trilogie se veut bien moins sombre que Le Seigneur des Anneaux. Peter Jackson tente d’introduire un humour bien plus présent que dans la première trilogie. Un humour plutôt lourd, mais qui finalement ne dépayse pas trop dans une aventure composée de 13 nains.
Une suite qui n’est pas à la hauteur du Seigneur des Anneaux
Les autres problèmes criants du Hobbit font étrangement penser qu’il est une sorte d’enfant bâtard entre l’ambition technologique et volonté nostalgique. Comme si il avait réuni les reproches, fais aux deux dernières trilogies Star Wars. Si Peter Jackson s’éclate d’un point de vue mise en scène, il va parfois trop loin dans sa volonté du tout CGI.
Si les effets visuels de Weta Digitals sont juste extraordinaires, on peut tout de même repérer de nombreux fonds verts dont l’incrustation reste discutable. Le niveau de finition est cependant bien supérieur à de nombreux films de superhéros actuels qui tiennent plus de la bouillie de VFX qu’à des films. La liberté de moyens de Jackson le pousse à commettre de nombreux abus, et cela est notamment visible dans La Bataille des Cinq Armées, qui propose un Legolas imitant un Sonic sous cocaïne sautant de pierre en pierre par-dessus le vide.
L’aspect nostalgique quant à lui est dû notamment à la reprise de toute l’iconographie du Seigneur des Anneaux, avec toute l’équipe de retour aux manettes. Que ce soit à la photographie, aux décors ou à la musique. Tout est fait pour rappeler le premier voyage en Terre du Milieu. Mais le passage au numérique, et plus précisément au HFR, n’aide pas, provoquant un côté presque propret à l’image, contrairement à celle beaucoup plus organique du premier volet. Howard Shore reprend les mêmes tonalités instrumentales pour les nouvelles bandes-son tout en piochant allègrement dans son précédent travail. L’intrigue centrée sur Legolas est très clairement inutile. C’est comme si Jackson n’avait pas osé s’éloigner de ce qu’il avait déjà réussi.
Malgré tout, Le Hobbit reste un véritable moment de grand spectacle, spectaculaire, épique et bien plus ambitieux que ce que l’on peut voir au sein des blockbusters actuels. À tel point, qu’on peut se sentir presque nostalgique de voir la disparition de projets aussi ambitieux, et casse-gueule. Il s’agit toujours d’œuvres dans le haut du panier de l’Héroïc-Fantasy, avec des visions capables de rivaliser avec la fureur du Conan de John Milius. Le Hobbit n’est pas une œuvre honteuse. Sans rivaliser avec Le Seigneur des Anneaux, il aura sûrement le mérite d’avoir attiré des néophytes dans l’univers de Tolkien. Mais aussi de prolonger l’univers entrevu entre 2001 et 2003. Finalement l’atout majeur de ce Hobbit : nous offrir un dernier voyage dans l’univers de la Terre du Milieu. Et ça, ça vaut bien 11 oscars.