[Review] Intisar en exil de Pedro Riera, une féministe plongée dans la guerre civile

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Une guerre civile fait rage au Yémen mais elle est absente de la plupart des médias. Pour en apprendre plus, le deuxième volume de la vie d’Intisar, femme moderne au Yémen, est-elle une bonne porte d’entrée ?

Un nouveau départ

Comme pour le premier tome, La voiture d’Intisar, le scénario est de Pedro Riera. N’ayez crainte, si vous n’avez pas lu le début publié en 2012, on peut très bien lire ce volume sans rien connaître. De plus, tout a changé dans la vie d’Intisar. Riera ne raconte plus la vie d’une femme au Yémen car elle a dû fuir la guerre pour se réfugier en Jordanie. Le dessin et les couleurs de Sagar, le nouveau dessinateur, sont très différents du tome précédent. Le travail de Sagar est impressionnant de justesse. Les couleurs très vives autour du rouge, de l’orange et du violet contrastent avec la situation pourtant très sombre de la narratrice.

La tête dans la guerre

Un portrait de femme

Intisar nous fait découvrir une femme éprise de liberté et féministe. Le récit en voix off est centré sur une Yéménite exilée. Le premier chapitre est un road trip dans sa nouvelle voiture qui lui offre la liberté. Ses amies utilisent les réseaux sociaux pour obtenir plus d’égalité. Au contraire, Riera présente une figure du mal par le demi-frère qui a poussé sa femme à la dépression puis la répudie. Il dénonce à plusieurs reprises la stigmatisation des femmes divorcées. Intisar s’oppose aux islamistes yéménites qui veulent remplacer le dictateur mais ne proposent aucun changement pour les femmes. La guerre a offert un espace de liberté et de contestation pour les femmes car leurs maris les ont éloignées des bombardements. La narratrice ne se présente pas comme une héroïne – sa ténacité féministe l’a fait virer de son poste d’anesthésiste et son frère a alors dû rentrer au Yémen en guerre pour être sûr que leur paye les aide.

Brûlant d’actualité

La bd n’est pas seulement le portrait fin d’une femme mais aussi la tragédie collective d’un pays. Comme une guerre civile au Yémen pour les nuls, ce livre permet de comprendre les causes et le déroulement de la guerre. Intisar déteste l’Arabie saoudite rendue responsable. La narratrice montre comment Tawakkul Karman, prix Nobel de la paix, est idéalisé par les médias occidentaux. Le lecteur plonge dans le passé d’un pays farouche qui a toujours résisté. Le judicieux guide des acteurs de la guerre d’Alienor Benoist proposé en fin de volume par Delcourt est une précieuse aide. On peut saluer d’ailleurs saluer le beau travail d’édition pour ce volume tant pour la qualité du livre que pour les bonus.

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Tout est gris

Avec Intisar, le blanc et le noir des stéréotypes n’existent plus. Une femme voilée lutte contre la misogynie. Après avoir parlé de patriotisme, elle démonte en fin de récit ce mythe en montrant que c’est une source de la guerre civile. Les migrations sont plus complexes que ce que l’on peut penser – partir coûte très cher et les réfugiés reviennent souvent malgré les bombardements. La narratrice sait très bien qu’elle mène une vie de riche exilée et que ce n’est pas la vie de tout le monde.

Intisar en exil est donc une fantastique plongée dans la complexité d’un pays et d’une femme. Chaque chapitre thématique illustre des anecdotes significatives. On ressent sans arrêt tous les paradoxes de l’auteur et la complexité de la situation : la perception de son pays, sa situation de riche exilée…