Critique « La saveur des ramen » d’Eric Khoo : Moment de délice.

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La cuisine et le cinéma ont beaucoup de points communs. Préparation minutieuse, genres variés et des délices (visuels ou gustatifs) parfois inattendus. Alors que cette semaine la concurrence est rude avec Alad’2 ou encore A star is born, un film attendu pourrait peut-être vous étonner et vous faire saliver à savoir La saveur des ramen d’Eric Khoo, un film gouteux, touchant et inattendu cette semaine. 

Peut-être aviez vous prévu de voir A star is born ou encore Alad’2 (on ne juge personne chez JustFocus) mais si vous avez un peu de temps, lisez cet article et vous serez convaincu de retourner au cinéma cette semaine. Car au milieu de films à grands budgets attendus depuis des semaines, il y a toujours, chaque semaine, de petits films inattendus qui savent retenir l’attention des spectateur les plus curieux. Le sort est cruel et le marché cinématographique tout autant et ces films ne sont visibles que quelques semaines mais cette semaine, soyez-vous aussi curieux et laissez vous embarquez dans cette histoire culinaire touchante

La saveur des ramen raconte l’histoire de Masato, un jeune cuisinier travaillant dans le restaurant de ramen de son père (les ramen étant des nouilles épaisses servies dans une soupe). Il y vit un quotidien complexe avec un père qui n’est plus l’homme généreux qu’il était avant la mort de sa femme. Hélas, ce dernier meurt à son tour laissant Masato seul responsable du restaurant familial. Néanmoins, il choisit d’entreprendre un voyage là où tout a commencé pour ses parents : Singapour. Un voyage culinaire commence pour lui dans une ville où il va tout (re)découvrir. 

Un cadre qui émerveille nos yeux et nos papilles 

Ce qu’il faut savoir, c’est que le film est une collaboration entre des productions française, japonaise et Singapourienne. Et même si l’action se passe majoritairement à Singapour, on sent une patte japonaise dans la réalisation. Cela se ressent notamment dans les décors et les choix de cadres du long-métrage. C’est un aspect commun à beaucoup de productions japonaises actuelles : le décor naturel du Japon. Et quand on parle de « naturel », il faut comprendre le décor classique des classes moyennes avec des maisons typiques et mitoyennes dans un vaste décor plus ou moins vert. Or, dans ce film, ce décor est encore une fois sublime. Même si cela peut paraître banal voire simple, ces décors sont travaillés et notamment au niveau du cadrage. Grâce à un cadre soigné, ce décor raconte quelques chose, il n’est pas anodin. Ici, on comprend que Masato est dans un cadre familier certes mais très ennuyeux car gris et sans saveur si l’on peut dire. La relation qu’il a avec son père entache son quotidien qui, comme le cadre, est gris et encadré. Quand il part à Singapour, c’est un nouveau monde qui s’ouvre à lui et comme Candide, il découvre une nouvelle partie du monde et une nouvelle facette de la cuisine

Si le décor japonais est soigné, celui de Singapour l’est tout autant. Des cadres parfaits et abondants de couleurs et de saveurs en tous genres, nous découvrons ainsi au fil du récit une ville de cuisine et de surprises. Comme le Los Angeles de Blade Runner, nous sommes perdus dans une ville qui semble démesurée grâce à des panoramas sur des immeubles qui ne semblent plus s’arrêter de s’étendre. Une ville où Masato va découvrir les secrets de sa famille

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Des cadres choisis à la perfection donnant un aspect de ville mystique et surprenante à Singapour. (Capture d’écran tirée de la Bande-Annonce).

 

La saveur des ramen est donc un film mystique qui nous transporte vers une autre culture. Mais rien ne pouvait prédire l’arrivée en France de ce petit bijou, enfin si. La production française a certainement permis au film de s’exporter chez nous alors que le réalisateur ainsi que les acteurs (y compris le héros) sont inconnus d’une grande partie de la population. Mais c’est une véritable chance que ce film nous atteigne et puisse ainsi nous toucher. Nous toucher par son cadre mais aussi par son histoire poignante et emplies de saveurs mais aussi porté par un scénario aux multiples facettes.

De la cuisine, certes, mais aussi de l’histoire

Le réalisateur Eric Khoo nous dévoile un film qui donne envie (entre nous, mangez avant le visionnage sinon il vous sera dur de résister) mais qui aussi nous transporte dans des thématiques puissantes. Le réalisateur étant lui même Singapourien, il a pu injecter à son récit l’histoire parfois dure de son pays. 

Durant la Seconde Guerre Mondiale (ainsi qu’un peu avant), l’empire Japonais a entrepris une large conquête de l’Asie et notamment de l’Asie du sud-est. Cette conquête a mené le Japon à Singapour où les soldats ont perpétré une terrible tradition : la conquête par le sang et par une violence rare. Une histoire difficile qui se retrouve à plusieurs reprises dans le film. Par des moyens subtils (télé en fond) jusqu’à un véritable parti pris avec le héros qui visite une exposition sur le sujet. Au final, cette conquête sanglante vieille de 70 ans environ a encore aujourd’hui de terribles conséquences et notamment sur le héros et sur sa famille. Des conséquences qui touchent nos personnages et très certainement la population actuelle de Singapour, parfaitement représentée par la grand-mère, une vielle femme meurtrie et terrifiée à l’idée de voir le moindre Japonais… 

Inutile de spoiler davantage mais vous avez compris le propos. Le film est politique et historique. Même s’il s’agit d’un film sur la cuisine, c’est aussi un film engagé au message profond. Mais il laisse aussi un questionnement sur la thématique de l’héritage

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Un père qui renferme un passé complexe et un héritage chargé d’histoire. (Capture d’Ecran tirée de la bande-annonce).

 

Que laisserons-nous à nos enfants ? Qu’est ce que nos parents nous on laissé ? Autant de questions qui sont au cœur du récit et qui, par le biais de la cuisine, nous permettent de nous interroger sur nos rapports avec notre famille, notre héritage… Et le sujet de la cuisine est remarquable car ici, il n’y a pas d’héritage matériel mais bien un héritage de valeurs, de recettes et de passion. Des thèmes qui peuvent prêter à sourire mais qui, soyez-en certains, vous toucheront tout au long de ce film émouvant. 

Quant à nos amis passionnés de cinéma mais surtout de cuisine, sachez que vous ne serez pas déçus. Aussi appétissant que Chef, le film d’Eric Khoo est une perle qui vous fera saliver de bout en bout. On découvre non seulement des plats typiques de l’Asie mais aussi leur histoire, leur préparation et la signification symbolique. Bref, un voyage en Asie qui vous ravira, vous et vos papilles

En conclusion, La saveur des ramen est une chance et il sera dommage pour vous de rater cette perle. A la fois puissant dans son propos et dans ses images, ce film est un road-trip culinaire mais aussi un véritable film historique. Au final, il est un voyage total : un voyage dans le temps, culinaire mais surtout émotionnel. Bref, l’excellent voire la succulente surprise de cette semaine dans nos salles. 

Bande-Annonce du film :