Critique « Happiness road » de Hsin-Yin Sung : chronique d’une famille ordinaire

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Présenté hors compétition lors du dernier festival international du film d’animation d’Annecy, On the happiness road de Hsin-Yin Sung narre le retour doux-amer de Chi, une jeune taïwanaise, dans la rue de son enfance, alors qu’elle se trouve en plein doute existentiel.

 

Née à Taipei, la jeune réalisatrice Hsin Yin SUNG a étudié à Kyoto la théorie du cinéma avant d’obtenir une maitrise au Colombia College de Chicago. Avant de devenir cinéaste et de pouvoir en vivre, elle a multiplié les casquettes : journaliste, écrivaine, employée dans un karaoke à Kyoto… Elle s’est tout d’abord fait connaître avec de courts métrages, projetés dans des festivals internationaux (THE RED SHOES, SINGLE WALTZ). Elle a d’ailleurs remporté le prix du meilleur film d’animation avec THE RED SHOES au festival du film de Taipei en 2013. À 44 ans, elle revient aujourd’hui présenter son premier film d’animation, Happiness Road qui se veut être une histoire de famille, d’amis d’enfance, de souvenirs et de sentiments. Une fenêtre ouverte sur l’histoire de l’île de Taiwan, peu connue en occident, très détaillée. Retour sur ce premier long métrage. 

 

 

Happiness Road

 

onthehappinessroad affiche Critique "Happiness road" de Hsin-Yin Sung : chronique d’une famille ordinaire

 

Titre original : Happiness Road 幸福路上

Genre : Drame – familial

Durée : 1h 51m

Date de sortie : 5 janvier 2018 (Taïwan) – 1er août 2018 (France)

Réalisatrice : Hsin Yin Sung

Producteur : Sylvia Feng

Bande son originale : Wen Tzu-chieh

Scénario : Hsin Yin Sung

 

 

 

Synopsis

Tchi vit aux USA où elle s’est installée, à la poursuite du « rêve américain », après ses études à Taiwan. Sa grand-mère adorée vient à mourir et la voilà de retour dans sa ville natale, où elle retrouve sa famille, ses souvenirs d’enfants et son quartier Happiness Road.
Tout se bouscule dans son esprit : ses souvenirs d’enfants, la petite et la grande histoire, l’amertume de l’exil, ses espoirs de carrriere, son fiancé américian et sa famille aux traditions un peu ringardes…
Et si finalement le rêve américain n’en était pas un  ? Tchi finira-t-elle par se retrouver  alors qu’elle ignorait s’être perdue ?
(Eurozoom)

 


 

Un doute existentiel universel…

 

Tchi est une enfant pleine de vitalité et de rêves, mais voilà… Tchi a grandi, et comme pour la majorité d’entre nous, le passage à l’âge adulte s’est fait dans le sacrifice et le compromis. Elle part aux USA pour travailler et vivre le rêve américain de ses parents qui la voyaient « gagner beaucoup de dollars », se marie avec un occidental et mène sa petite vie tranquille dans une banlieue sans relief. Mais un jour, le téléphone sonne : sa grand-mère adorée vient de décéder et elle doit revenir au plus vite pour la cérémonie funéraire. Ce retour aux sources est l’occasion pour Tchi d’une introspection et de nombreux flash-back. Qu’est devenue cette petite fille espiègle et pleine de rêves ? Elle, qui a travaillé dur à l’école, manifesté pour les droits civiques, puis a écrit dans un journal avant de partir vivre le rêve américain et se marier, libérée des traditions ? Que veut-elle maintenant ?

Cependant, ce retour à Happiness road entraîne un tsunami émotionnel pour la jeune femme qui, à l’aube de la trentaine, se rend compte que rien ne s’est déroulé comme elle l’entendait.

Sa famille et ses amis lui manquent et elle semble de moins en moins en phase avec son époux. Le choc des cultures n’est pas loin. Va-t-elle choisir le chemin de l’émancipation ou revenir dans le giron familial traditionnel ?

Happiness Road Grand-mère

 

… Englué dans le sentimentalisme de bon aloi

 

Après un questionnement louable et un bon début, le film s’enlise progressivement dans un sentimentalisme et surtout un traditionalisme des plus ennuyeux. Alors que l’on s’attendait à un film aux propos modernes avec une vraie réflexion sur la place de la femme dans la société taïwanaise, c’est tout le contraire qui se produit. On remarque bien une certaine évolution de la société, mais sans recul critique, ce qui s’explique d’ailleurs par la dédicace finale. On se retrouve finalement devant les états d’âme d’une jeune femme qui, ayant peur du futur, se réfugie dans ses souvenirs d’enfance sans se confronter réellement à ce qui la préoccupe vraiment. À croire qu’à notre époque, et malgré les modèles féminins de plus en plus mis en avant dans le monde entier, le salut de la femme passe seulement par la maternité… Pas très moderne tout ça. L’on apprécie tout de même les apparitions de la grand-mère, la Tchi enfant et les rêves colorées de la petite fille qui apporte de l’onirisme à l’ensemble. 

Ainsi, l’on se pose des questions sur le message de cette histoire… Si la réussite ultime de la vie d’une femme se voit dans ses accomplissements, ses expériences et ses études… Que valent les conquêtes sociales des femmes depuis la fin du XIXe siècle et surtout au XXe et XIXe siècle ?

Happiness Road

 

Happiness road déçoit ainsi par un propos hors d’âge et peu inspirant pour les jeunes générations. La première partie est pourtant très bien et augurait le meilleur. L’on aurait aimé voir Tchi prendre son envol pour réaliser au moins un de ses rêves, mais également voir une meilleur évocation des ségrégations des peuples autochtones et des évolutions politiques (aucunes dates évoquées par exemple, ni de contextualisation géo-politique). Pour un premier film ce n’est pas si mal, mais pour un sujet aussi bien connu de la réalisatrice, l’on aurait apprécié plus de punch et de réflexion.