[Review] After Death, perdez-vous dans le temps

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Quand deux stars montantes de la BD américaine s’associent, cela donne forcément envie de savoir si ces deux talents sont à la hauteur de leur réputation. Scott Snyder au scénario et Jeff Lemire au dessin nous livrent A.D. After Death chez Urban Graphic depuis le 23 mars.

De retour de Floride, tout bascule.

Entre le roman et la BD

Tout commence par un récit familial – comme souvent chez Lemire – où Jonah Cooke raconte son premier souvenir : son traumatisme après la syncope de sa mère lors de vacances catastrophiques en Floride. Alors que l’on pensait lire une BD, le lecteur se retrouve devant des paragraphes de texte entourés des dessins de Jeff Lemire. On peut être décontenancé au premier abord par la mise en page ressemblant à un livre pour enfants, mais Snyder sait par son texte installer une tension. On sent que quelque chose de terrible va arriver. Jonah est un voleur parfois pour se souvenir mais surtout pour le frisson. Snyder nous présente un monde secret où une communauté du Darkweb se lance des défis pour organiser des vols. Le dessin est aussi très différent d’un livre pour enfant. Le style est très brut et à angle droit. Les dessins au feutre et la couleur aux pastelles ? renforcent le côté artisanal et sinistre du récit. Personne ne sourit. Les personnages sont obsédés par la mort et le vieillissement.

Un futur apparemment joyeux

Des pièces d’un puzzle dispersé

Le personnage central est certes Jonah Cooke mais l’histoire est dispersée entre plusieurs périodes temporelles. On suit par un texte illustré ses souvenirs d’enfance, des portions de BD racontent un futur post-apocalyptique mais aussi une tentative de fuite de Jonah. Quel est le présent ? Le lecteur perd ses repères et Snyder prend plaisir à peu à peu rassembler les pièces d’un puzzle ressemblant à un monochrome noir de Pierre Soulages. La modernité technique nous indique que le monde s’est modernisé – Jonah est un ouvrier agricole travaillant dans une ferme futuriste digne de Science et vie. Visiblement il n’est pas heureux mais il est inexpressif et brisé. Le dessin très simple renforce la tristesse et la violence – un veau qui se frappe sur la barrière devient très touchant. Les dialogues montrent aussi que quelque chose cloche dans ce paradis technologique car chacun se plaint d’amnésie.

Un futur gelé

Au fil des pages, on sent qu’une angoisse rôde tant dans les souvenirs du passé que dans ce monde avec un ciel étrange. Au fil des pages, le récit s’élargit dans le temps et dans l’espace. Il a une vision sombre du futur où une élite à survécu au sommet alors que, dans un monde apocalyptique, l’Humanité s’est effondrée peu à peu. Snyder et Lemire livrent un plaidoyer contre l’isolationnisme. Malgré un texte parfois un peu trop présent, Snyder et Lemire arrivent à conclure l’histoire. Dans les dernières pages, l’action s’accélère avec un twist final bien fait et une fin très ouverte mais toujours sombre quoiqu’elle soit. L’ensemble de l’histoire est publié en un seul volume par Urban Comics qui fait honneur à l’histoire. Le papier est de qualité dans des pages de belle taille avec une superbe couverture rigide.

Deux auteurs montants ne déçoivent pas en duo

Aventuriers de la lecture, Indiana Jones de la BD, A.D. est fait pour vous. Ce volume va vous perturber avec joie et vous questionner à chaque chapitre : est-ce un roman illustré, une BD, un livre de science-fiction, un roman familial… ? Avec ce titre, le slogan d’Urban Graphic – La BD au-delà des frontières, des codes et des styles – est on ne peut plus mérité. Vivement la prochaine sortie de cette collection.