[Critique] Marche ou Crève de Stephen King : entre angoisse et courage

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Jeunes garçons, seriez-vous prêts à participer à la course la plus difficile qui soit? C’est ce à quoi se sont défiés cent garçons dans Marche ou Crève de Stephen King. N’attendez plus, entrez dans la peur, la crainte et la torture à travers les pages de ce roman !

Publié en 1979 aux Etats-Unis, Marche ou Crève (The Long Walk en anglais) est un roman d’anticipation dystopique. Ce roman est publié sous le pseudonyme de Richard Bachman, qui cache en vérité l’identité de Stephen King qui sera révélée quelques années plus tard. Marche ou Crève est considéré comme le meilleur livre de King publié sous ce pseudonyme, et ça n’est pas du hasard¹ ! 

Marche ou Crève se passe dans un futur (qui semble être) lointain où les Etats-Unis sont devenus une dictature dirigée par les militaires. Tous les ans, une marche rassemblant cent garçons de moins de dix-huit ans est organisée. Le but de la course ? La remporter évidemment. A la clé de celle-ci est promis un « prix », que le vainqueur peut choisir parmi tout ce qu’il désire. Devenue super populaire, cette course est attendue par des milliers de spectateurs.trices dans les rues, qui suivent avec euphorie l’avancée des participants. 

 

fullwidth.524ce5b3 [Critique] Marche ou Crève de Stephen King : entre angoisse et courage

 

Le titre français, assez explicite, donne de bons indices sur le déroulé de la course. La règle est simple : le marcheur ne peut jamais s’arrêter. Peu importe ses conditions physiques ou les conditions météorologiques, la règle est stricte. A cela s’ajoute que les marcheurs doivent obligatoirement marcher à 6,5 km/h minimum sous peine d’être éliminés de la course, c’est à dire : être fusillés. 

A travers cette lecture, nous allons donc suivre Ray Garraty, un jeune garçon de seize ans, venu participer à cette monstrueuse course. Le livre commence environ une heure avant le début de la marche, où on retrouve Ray accompagné de sa mère qui le dépose au départ de la course. Ray va alors rencontrer McVries, qui restera son allié durant cette terrible épreuve. 

L’histoire du roman est simple: le.a lecteur.trice suit les protagonistes durant leur course. On pourrait donc penser que le livre va être ennuyeux; bien au contraire. 

 

Alors, pourquoi doit-on lire Marche ou Crève

 

1er mai, 9h du matin : le début de la torture a sonné.

Marche ou Crève, c’est un récit qui fait mal. Comme expliqué précédemment, les coureurs ne peuvent pas s’arrêter, ni même ralentir un minimum. Cela va de soi qu’ils ne peuvent pas non plus s’arrêter pour manger, aller aux toilettes ou dormir. Ils devront, dormir en marchant, faire leurs besoins en marchant, et chaque matin à 9h, une poche de nourriture à boire leur est donnée. En tant que lecteur.trice, on ne peut pas s’empêcher de se demander comment nous-même, nous aurions fait si nous étions dans leur cas. Alors que plein de jeunes tombent peu à peu, dû à des banalités comme des simples ampoules ou des maux d’estomac, on se questionne sur nos capacités personnelles alors que nous n’avons évidemment pas à envisager le fait d’être dans cette course folle. Stephen King réussit à nous faire ressentir avec brio chaque douleur survenue chez les participants. 

 

Potentielle mort : entre le 1er et le 5 mai. 

Marche ou Crève est un roman qui fait face à la mort. La mort est permanente dans ce récit, puisque si l’un des participants s’affaiblit, il meurt. Le sujet y est omniprésent, et la question est de savoir qui réussira à vivre le plus longtemps. Il y a plusieurs dimensions qui sont à rattacher à la thématique de la mort dans ce livre. D’abord l’instinct de survie, marcher tant bien que mal, avoir un objectif et s’y accrocher si fort que l’on en perd la tête. Puis, savoir s’il y a vraiment une bonne raison et manière de mourir ou pas, savoir quand est-ce que l’on doit mourir et pourquoi. 

 

« McVries le tirait. Encore McVries. 

– Lève-toi, Ray, lève-toi, tu ne peux rien pour lui, je t’en prie, pour l’amour de Dieu, relève-toi ! »

Marche ou Crève est un livre qui traite des relations humaines. Lors de notre lecture, on suit plusieurs garçons, dix environ au départ, chacun ayant sa personnalité bien à lui. Il y a celui sûr de lui, confiant, un autre effrayé, puis un autre enjoué, qui ne réalise peut-être pas totalement ce qui l’attend. Ce que l’on retiendra particulièrement c’est la relation entre Ray, notre protagoniste, et McVries, son compagnon de course. Le livre met en lumière la solidarité entre humains; réussir à puiser de la force supplémentaire afin de pouvoir sauver l’autre malgré le risque de se faire tuer soi-même. Toute l’envergure psychologique des personnages ainsi que leurs interactions sont minutieusement travaillées, ce qui donne au roman une profondeur unique et une grande source de réflexion. 

 

Quelle heure est-il ?

Finalement, comment ne pas saluer l’auteur. Stephen King sait parfaitement maîtriser la mesure du temps dans ses romans. Dans Marche ou Crève, le temps est à la fois long et rapide : la cadence des pas doit être plutôt rapide mais, qu’est-ce que c’est long de marcher sans avoir de but à atteindre. Au début, King nous informe régulièrement sur l’heure qui passe. Puis au fur et à mesure, l’heure ne nous est donnée que toutes les deux, trois voire quatre heures. On s’habitude à cette cadence en même temps que les personnages, et comme eux on a l’impression de ne pas pouvoir s’arrêter. Le temps passe lentement quand on a mal, mais on ne peut pas s’arrêter par crainte de mourir. Ce sont de vrais va-et-vient psychologiques et physiques que King fait subir à ses personnages ainsi qu’à ses lecteur.trices. L’auteur maîtrise également parfaitement l’écriture, rythmée exactement de manière à pouvoir nous imprégner entièrement dans le récit. 

 

Marche ou Crève est un roman très riche qui soulève avec beaucoup de questionnements plusieurs thématiques comme la mort, la dictature, la torture ou l’obsession. Chaque thème est laissé ouvert à réflexion pour la personne qui est en train de le lire. Les interprétations de ce livre sont multiples, notamment à cause de sa fin (que je vous laisse aller découvrir !) qui est sujette à débat. 

Marche ou Crève est un roman qui nous hante pendant et après l’avoir lu, et pourtant ce n’est pas une histoire de fantômes. Enfin, qui sait ?

 

¹ : Stephen SpignesiThe Essential Stephen King, Career Press,