Les damnés de la Commune : A la recherche de Lavalette

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Les éditions Delcourt viennent de faire paraître un livre original, conçu par un auteur qui ne l’est pas moins : Les Damnés de la Commune de Raphaël Meyssan est un projet imaginé comme une enquête au cœur du Paris post-Second Empire pour retrouver la trace d’un célèbre inconnu, un certain Lavalette.

Raphaël Meyssan, auteur complet de l’album, a découvert par hasard un jour de pluie qu’il habitait dans le même immeuble qu’un certain Lavalette, personnage totalement inconnu aujourd’hui mais qui eut son importance au temps de la Commune de Paris en 1871. Il s’est donc mis à chercher des informations sur cet individu et sur ce que fut sa vie dans le contexte de la célèbre révolte parisienne. Au cours de ces recherches, il découvre également le récit d’une contemporaine des événements qui décrit la vie au quotidien dans l’atmosphère tragique de la poudrière qu’est devenue Paris. Meyssan met les deux parcours en résonance et livre ainsi un album très riche et finalement très bien documenté, fascinant et passionnant.

La méthode déroute cependant parfois : lorsqu’on passe de l’époque du récit à celle du commentateur (c’est-à-dire la nôtre) qui sont toutes deux illustrées par des gravures de la fin du XIXe siècle, il faut quelques pages pour s’adapter au procédé, mais finalement, la lecture se fait sans peine.

Car, là aussi, Meyssan fait preuve, sinon d’originalité, en tout cas d’humilité et d’honnêteté lorsqu’il dit lui même qu’il ne sait pas dessiner (combien d’auteurs de BD célébrés érigent leur manque de capacités graphiques en genre ou en style ?) Lorsque après avoir recueilli toutes les informations nécessaires durant six ans, il s’est dit qu’il devait faire partager ses travaux, Meyssan a naturellement pensé le faire sous forme de bande-dessinée, mais ne sachant pas dessiner, il a eu l’idée excellente d’utiliser les gravures de l’époque – qu’il a retravaillées – pour l’illustrer. Et le résultat constitue une incontestable réussite.

On plonge dans le livre et au cœur des événements presque comme si on y était. Ces gravures (splendides – on ne soulignera jamais assez le talent des illustrateurs de l’époque qui agrémentaient la presse quotidienne de leurs œuvres) ont le pouvoir de vous attirer dans l’univers tragique de ces temps révolus. On regrettera cependant toutefois certains commentaires et raccourcis orientés de l’auteur (il chante L’Internationale), notamment sur la vision simpliste des raisons de la guerre de 1870 qui selon lui n’aurait uniquement été déclenchée par Napoléon III que pour écraser un mouvement social parisien. Comme dit plus loin dans le livre, il y a eu l’histoire de la succession au trône d’Espagne qui n’était pas une mince affaire, et la fameuse dépêche d’Ems, mais surtout il ne faut pas confondre Napoléon III et son oncle. Le neveu n’était pas un belliciste. Il serait d’ailleurs temps qu’on sorte de la vision caricaturale qu’on a de ce personnage depuis la perte de l’Alsace-Lorraine.

Pour le reste, Les Damnés de la Commune est un beau livre, pas simplement une bande-dessinée, qui parvient à aspirer le lecteur dans ses pages. On est frappé par la tragédie que vit Victorine et par l’enchaînement des événements qui conduiront à la Semaine sanglante, et lorsque se tourne la dernière page de ce tome 1/3 intitulé A la recherche de Lavalette, on n’a qu’une hâte : découvrir le tome 2 de ce documentaire savamment illustré, mais il faudra attendre une année pour pouvoir la lire.