[Critique] Perturbator – New Model : la Synthwave redevient narrative

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Ça bouge du côté de la Synthwave. Quelques mois après la sortie du premier album de Danger, au tour de l’autre producteur le plus excitant de la scène de dévoiler une nouveauté. Perturbator signe avec son EP-surprise New Model une jolie oeuvre-intercalaire dans sa discographie déjà bien vénère.

Bien malins sont ceux ayant parié sur la longévité du genre musical remis au goût du jour par Hotline Miami en 2012. L’offre Synthwave n’a jamais été si florissante. Et même si les fleurons du genre font les morts (Carpenter Brut, Kavinsky), l’arrière-scène, elle, bouillonne. Dan Terminus, The Toxic Avenger, Däs Mortal et Perturbator forment les phalanges d’un gant au lustre rétro, mais à la poigne forte.

Aussi bouillonnante soit-elle, il ne faut pas oublier de remuer la sauce pour lui éviter de coller. Un conseil culinaire qu’ont pris soin d’appliquer Danger et Perturbator dans leurs projets respectifs. On distingue dans les créations les plus récentes de ces derniers un attrait pour la narration, renouant avec les origines historiques de cette musique : la bande-originale.

Neon demon

À l’image de son artwork, New Model est un EP noir duquel émergent des architectures sonores éblouissantes. Profondément industriel, le son de James Kent s’affine autant qu’il s’engraisse. Plus précises, ses compositions font la part belle à des orchestrations qui nous font dire que l’homme aurait eu toute sa place au sein de l’OST du formidable Furi, sorti l’an dernier sur PS4 et PC. Tactical Precision Disarray et sa seconde moitié assourdissante auraient été fort à propos pour le jeu de The Game Bakers.

Perturbator a encore oublié de prendre ses cachets. La rage bouillonne en lui tant il martèle ; appuie fort là où ça fait mal. Tainted Empire (meilleur titre de l’EP) déploie des merveilles narratives et progressives. Difficilement audible pour des profanes, le morceau forme le maillon rattachant la première moitié de son disque à la seconde, plus travaillée. Son outro, citant presque le générique de American Horror Story dans ce qu’il a de crispant, noie le titre dans un marasme malsain introduisant avec brio le puissant Corrupted By Design et sa mélodie minimaliste imparable.

Le passif metalleux du musicien est palpable sur tout son EP, et notamment son dernier et long effort God Complex. 9 minutes 25 de construction musicale alambiquée, de breakdowns incessants particulièrement fatals pour vos cervicales, et de nappes ambiantes évoquant des paysages sonores proches de Blade Runner.

Condensé, ce 6 titres est probablement l’un des meilleurs crus du musicien français après Sexualiser. Moins instantané en cela qu’il est plus complexe et travaillé, New Model est la preuve que l’artiste cherche à faire évoluer sa musique, tout en restant fidèle au genre qu’il affectionne. Un joli marche-pied pour un futur album qu’on attend avec impatience.

Pierre Crochart