La dixième saison de Doctor Who marque un tournant pour la série : s’il s’agissait d’abord de la dernière saison de Peter Capaldi dans le rôle du Docteur, c’était également le début de la fin pour Steven Moffat, le showrunner de la série, qui quitte ses rôles de producteur exécutif et chef scénariste après l’épisode de Noël 2017. C’est une saison en demi-teinte pour les fans de la série, entre un Peter Capaldi plus qu’exaltant, des épisodes assez inégaux et la révélation de Pearl Mackie, l’interprète de la nouvelle compagne du Docteur dans cette saison ! Retour sur la saison 10 de Doctor Who, sur laquelle il y a beaucoup (trop) à dire ! Attention, cette critique contiendra quelques spoilers.
Tombée de rideaux pour Steven Moffat
Ne perdons pas notre temps à tourner en rond et avouons-le tout de suite : même si on aime Steven Moffat, cette saison nous a montré qu’il est bel et bien temps qu’il cède sa place. Entre un trio d’épisodes en plein milieu de la saison comme un cheveu sur la soupe, un premier épisode qui pourrait faire office de pilote à la série et un final à la limite du reboot, on commence à se dire que quelque chose ne va plus. Une énergie s’est perdue au fil des saisons dans le travail de Moffat. Il faut dire que les fans de la série ont su lui mener la vie dure : critiqué pour des saisons un peu sombres comme les saisons 6 ou 9, il se prend tout autant de remarques lorsqu’il adopte un ton parfois plus léger comme avec cette saison 10. Entre lui et les Whovians (fans de la série), l’amour n’est plus au rendez-vous depuis un bon moment déjà… Pour en revenir à la saison 10, elle est composée d’épisodes très inégaux en terme de développement scénaristique. Le retour de certains ennemis du Docteur comme les Guerriers de Glace (connus depuis la première génération de la série) a pu être salué comme assez original puisqu’ils ne sont apparus qu’une seule fois dans la nouvelle génération (épisode Cold War de la saison 7), mais un final contre les Cybermen donne un certain effet de redondance. Enfin, on peut retenir le trio d’épisodes au centre de la saison, basé sur la prise de contrôle de la Terre par les Moines : s’ils arrivent un peu de nulle part et amènent donc des éléments scénaristiques (comme la cécité du Docteur) mal exploités, ils ont toutefois l’audace d’établir une belle critique sociale sur la manipulation de masse.
Ce que nous pouvons tout de même affirmer au sujet de Steven Moffat, c’est qu’il a un certain don pour travailler sur le détail et sur l’évolution d’un personnage. Nous aurons l’occasion de parler du Docteur plus en détail dans la suite de cette critique, mais il faut ici s’arrêter un instant sur le personnage de Missy, interprété par Michelle Gomez (toujours aussi excellente). Son personnage s’est avéré être une sorte de fil rouge dans cette saison 10 et on ne s’en porte pas plus mal ! Le retour du Maître, interprété par John Simm, était une belle idée mais pas assez bien exploitée pour être saluée : le personnage est simplement survolé psychologiquement et ne sert pas à grand chose, à l’exception peut-être lors de sa dernière scène avec Missy dans l’épisode final. Car oui, si le Maître a un petit quelque chose qui manque, il a l’avantage de mettre en avant l’incroyable évolution du personnage, du Maître à Missy. Du Seigneur du Temps implacable et cruel, on arrive à un personnage bien plus complexe, bouleversé par les apprentissages du Docteur et par le véritable sens qu’il découvre à la notion d’amitié. En chacun de nous bouillonnait l’envie de voir arriver un plan machiavélique établi entre le Maître et Missy, mais ce chamboulement de l’équilibre psychologique de cette dernière est tout aussi intéressant à voir. Si nous risquons de ne plus (jamais ?) voir le personnage du Maître/Missy dans Doctor Who, il faut avouer que Moffat a su gérer la sortie de Michelle Gomez, toute en trahison et en élégance.
Peter Capaldi au sommet de son art
Dans cette saison 10, Peter Capaldi est réellement devenu le Docteur. Difficile au début de la saison 8 de retrouver en lui quoique ce soit qu’avait construit son prédécesseur Matt Smith, mais qu’il est bon de voir en 2017 qu’il aura bien fallu ces trois ans pour clore un arc entier autour du personnage du Docteur… Pour le meilleur, et très loin du pire ! Dans son arrivée dans la saison 8, Peter Capaldi a fait du Docteur un personnage bien plus sombre que celui de Matt Smith, déléguant les émotions à Clara pour se concentrer sur les faits et redécouvrir qui il est. Dans la saison 9, entraînant Clara dans un chemin plus tragique, le Docteur se met à retrouver son rôle de protecteur, de sauveur, et réalise enfin qu’il s’est régénéré avec le visage d’un homme qu’il a sauvé par pure bonté (parce que oui, avant d’être le Docteur, Peter Capaldi était Caecilius, un romain à Pompéii sauvé par le Docteur et Donna dans la saison 4). Enfin, pour en finir avec son rôle, Capaldi nous offre un Docteur qui cherche justement à mettre en œuvre cette bonté, avec les personnes qu’il sauve mais aussi avec Bill, qu’il forme et qui l’accompagne dans ses aventures.
Certains trouveront encore maintes choses à dire sur Peter Capaldi et son interprétation du Docteur, mais il est clair pour nous qu’il a su se fondre dans la série. Grand fan de Doctor Who qu’il était, il a rejoint l’univers avec une énorme pression sur les épaules en succédant à trois acteurs (Christopher Eccleston, David Tennant et Matt Smith) qui ont su emballer les fans. Pourtant, ce qu’il a réussi à apporter au personnage est une réussite pure et dure. S’il était difficile à première vue d’accrocher au personnage de l’Écossais grognon et hermétique aux émotions, Peter Capaldi a tout envoyé valser dans cette dixième saison avec une performance de haut niveau. Nous avons également eu droit à un éternel moment émotion à la fin du dernier épisode, lorsque le Docteur tente d’éviter sa régénération et ressort les phrases de ses prédécesseurs avant lui, comme le « I don’t want to go » de David Tennant ou encore « I will always remember when the Doctor was me » de Matt Smith, qui sont restés parmi les moments les plus forts de la série toute entière. Après trois ans de bons, loyaux et merveilleux services après de Doctor Who, l’acteur va quitter la série à la fin de l’épisode de Noël 2017 pour laisser la place à un successeur qui, nous l’espérons, saura nous toucher autant qu’il l’a fait.
Nardole et Bill, deux compagnons au potentiel mal exploité
Les compagnons du Docteur font partie intégrante de la série depuis ses débuts. Deux personnages sont révélés par cette saison 10 dont le premier est Nardole, introduit dans l’épisode Les Maris de River Song et interprété par Matt Lucas. Le personnage de Nardole a tout pour plaire : il joue beaucoup sur le sarcasme, parle au Docteur comme s’il était son baby-sitter et n’a pourtant pas vraiment d’autorité. Le jeu de Matt Lucas est excellent, le personnage est à la fois drôle et attachant, et pourtant, on sent qu’il n’est pas à sa place. Peut-être que cela vient du fait qu’il n’est pas le seul compagnon du Docteur, mais Nardole apparaît souvent plus comme un personnage secondaire qu’un véritable compagnon et c’est bien dommage. S’il est certes présent pour faire des blagues ou sauver la situation de temps en temps, il est trop peu présent à notre goût. De plus, son sort à la fin de la saison 10 nous a clairement déçu : le Docteur a-t-il volontairement condamné l’un de ses compagnons en le laissant sur la plateforme spatiale où a lieu l’épisode ? S’il semble que nous ne verrons plus Matt Lucas dans Doctor Who, on espère que quelques caméos pourront être envisagés par la suite pour ne pas avoir créé un personnage si intéressant pour rien…
Parlons à présent de Bill Potts, une « dame de la cantine » dans une université jouée par Pearl Mackie. Si on savait depuis le début que l’actrice n’avait signé un contrat que pour une seule saison, nous n’en sommes pas moins déçus lorsque nous comprenons que nous ne la reverrons (probablement) pas. Bill, c’est en fait tout ce que les fans de Doctor Who ont toujours voulu être : une jeune femme qui part vivre des aventures folles pour fuir le quotidien morne de sa vie sur Terre (elle sert des frites dans une cantine, rappelons-le). Et puis, double innovation majeure dans la série : Bill est une femme noire et homosexuelle. Cela fait d’elle le premier compagnon régulier du Docteur à voir sa sexualité exploitée dans le fil scénaristique de la série, notamment avec le personnage de Heather que l’on voit dans le premier et le dernier épisode de la saison. En bref, Bill est l’un des compagnons du Docteur auquel on s’attache le plus vite : elle est drôle, a de la réparti, ressent réellement les choses et a su nous séduire dès le départ. Mais (puisque oui, il y a un mais) son personnage a été, selon nous, proprement gâché par la fin de la saison (attention gros spoilers à suivre) : que Bill soit transformée en Cyberman est une chose, mais ruiner sa mort en est une autre ! Offrir à ce personnage extraordinaire une fin digne de ce nom en la faisant se battre aux côtés du Docteur contre les Cybermen ? « Non merci« , nous dit Steven Moffat en savourant son idée. Première raison : elle va survivre grâce à Heather, un personnage que vous avez vu dans le tout premier épisode de la saison, qui a réussi à la suivre grâce à ses larmes dans cet épisode précis mais qui était totalement inexistante dans le reste de la saison alors qu’elle aurait pu faire un fil rouge pertinent à exploiter. Deuxième raison : elle va partir voyager dans l’espace et le temps avec Heather. Un peu comme Clara et Moi à la fin de la saison 9, non ? Oui, un peu comme ça oui. Le départ de Bill de cette manière a vraiment intérêt à laisser présager que nous la reverrons, soit en compagnie du Docteur, soit peut-être dans un spin-off (qui serait, avouons-le, bien plus tentant que s’il était sur Clara et Moi…) !
C’est donc une saison des adieux livrée par Steven Moffat pour son ultime travail en tant que producteur et scénariste de Doctor Who. Les départs soudain de Matt Lucas et Pearl Mackie et celui, plus inattendu, de Michelle Gomez, devraient véritablement créer une vraie rupture entre l’ère de Steven Moffat et l’ère de Chris Chibanll, son successeur. Si les personnages étaient, dans l’ensemble, le véritable point fort de cette saison, il est grand temps que quelqu’un reprenne le flambeau pour ne pas transformer la série en un éternel reboot criant de fan-service… Nous retrouverons Steven Moffat pour l’épisode annuel de Noël de la série ainsi que Peter Capaldi qui terminera avec cet épisode son aventure en tant que Douzième Docteur. Nous savons d’ores et déjà que dans cet épisode, il sera aux côtés de David Bradley qui reprendra le rôle du Premier Docteur. Peut-être accueillera-t-il comme il se doit le Treizième Docteur ? Rendez-vous à Noël !