Chris McKay prend la suite de Christopher Miller et Phil Lord, réalisateurs de La Grande Aventure Lego, pour ce premier spin-off centré sur Batman. Lui qui était le directeur des effets spéciaux du premier opus, il prend la relève en tant que réalisateur tandis que les deux compères sont partis vers une galaxie lointaine, très lointaine.
Un Batman complètement différent :
Chris McKay plonge son spectateur dans une introduction absolument géniale, décalée et drôle, confrontant la voix grave et suave de Batman aux sponsors et autres génériques qui défilent devant nous, avec des commentaires bien sentis d’un personnage devenu culte. Chris McKay va jouer de cette célébrité, l’utiliser comme un ressort comique, voir émotionnel. Ainsi Batman s’apparente davantage à Spider-Man qu’au véritable Chevalier Noir taciturne et taiseux. La langue bien pendue, il commente tout ce qui l’entoure d’un ton décalé et irrévérencieux, tel le bavardage immature et incessant de Spider-Man, voir même, parfois une rupture du quatrième mur façon Deadpool. Batman est donc ici un protagoniste enfantin, totalement déconnecté de la réalité.
L’écriture du personnage contredit les autres apparitions du justicier. Ici, à l’inverse de d’habitude, Batman jouit de sa célébrité, il en profite, apparaît comme un vantard accro aux feux des projecteurs, il ne vit que pour Batman et adore ça. Mais lorsqu’il rentre chez lui, Bruce Wayne est triste et seul, hanté par la disparition (encore) de ses parents. Il n’a ni ami, ni famille. Même la Justice League le rejette. Chris McKay présente donc l’évolution d’un personnage qui va devoir quitter sa condition de solitaire, dans laquelle il se complait, pour s’ouvrir à son entourage et commencer à créer des liens avec autrui. Bizarrement la psychologie du personnage est mieux traitée que dans certains longs-métrages de la Warner où Batman était plus une bête de foire qu’autre chose (cf : Batman et Robin). Malgré la conclusion en happy end inévitable pour ce type de production, la transformation de Batman prend du temps, ce qui s’oppose au rythme effréné du long métrage, un film généreux mais qui place le spectateur au bord de l’asphyxie.
Un long métrage bourré de références :
Après une scène d’introduction ultra rapide qui confronte Batman à son éternel ennemi, Le Joker, où ce dernier cherche une fois de plus à détruire Gotham, s’en suit une opposition drôle et décalée entre les deux protagonistes. Une conversation inattendue qui porte sur la relation particulière qui unit les deux personnages. Chris McKay tourne cette confrontation en dérision, telle une histoire d’amour ou une histoire de haine à sens unique, où Batman refuse de considérer le Joker comme son ennemi juré, son âme sœur, son éternel motivation. Chris McKay enchaîne les références pop et surtout celles à l’univers de Batman, comics ou film, telle la punchline d’Alfred qui supplie Bruce Wayne de sortir de son état léthargique après la multitude de films qui lui ont été consacrés et dans lesquels il demeure toujours triste et seul (images d’archives à la clé sur le Batman de 1966). De même les objets qui s’apparentent à Batman sont légions. On y redécouvre tous ses gadgets tournés en dérision à l’image du bat-anti requin, référence, encore une fois, au Batman des années 60 aux prises avec un requin en carton, scène légendairement ridicule. Le Joker en prend également pour son grade puisque les références à Heath Ledger et Jack Nicholson sont très présentes.
Mais la Warner ne s’arrête pas là, et décide d’aller de plus en plus loin dans les clins d’œil et les références, qui finissent par tomber dans une surenchère de fan service. Ainsi apparaît la Justice League pour un usage restreint, voir inutile. De même avec les autres supers vilains du Dark Knight, mais le plus étonnant est l’apparition d’autres personnages des franchises Warner, à la manière de La Grande Aventure Lego. Mais là où le film du duo se permettait des références pop agréables, Lego Batman tombe dans un surplus de fan service qui finit par fatiguer. Batman se suffit à lui-même et l’apparition de Godzilla, King Kong, Sauron, et j’en passe et des meilleurs tourne le film en un four tout généreux mais débordant. Le spectateur finit en crise d’épilepsie devant tant de couleurs, de bruits, d’images et de personnages. Mais Chris McKay a le mérite d’aller au bout de son parti pris, au bout de son autodérision tonitruante, quitte à salir l’image de Batman. Pour autant, la dernière partie du long métrage est asphyxiante, éreintante, assez brutale, sans réelle forme de subtilité.
Lego Batman peut se résumer à cela : un manque cruel de subtilité mettant en scène un joyeux bordel où se confrontent une multitude de personnages, de références et de vannes plus ou moins inspirées. Un film en demi-teinte, qui ne parvient pas à casser son rythme lancé à toute vitesse, quitte à laisser une partie du public sur le quai de Gotham City.