L’année touche à sa fin, c’est l’inévitable période du bilan. Just Focus a décidé cette fois de laisser libres les chroniqueurs d’établir leur liste. Pour ne pas réécrire ce que d’autres peuvent faire très bien, et les tops 2016 déjà publiés sur JF (ici ou ici), voici mes libres impressions à chaud et très personnelles de ce qu’aura été mon année musicale.
Du calme…
« Why Did You Separate Me from the Earth? » se demande Anohni, ex Antony and the Johnson? Séparer quelqu’un de la Terre, il vaut mieux penser à déménager sur Mars vue l’année qui vient de s’écouler qui a encore battu un record de nihilisme et de clownerie mondiale. Sans rire, cette année c’aurait été très courageux de lire les actualités ET d’avoir conscience de la régression que cela représente au niveau de nos acquis des décennies suivantes ET de réfléchir à un passage vers un meilleur possible (là c’est un exploit). Cette chanson de notre ami androgyne parle ainsi aux idéalistes déçus comme aux déçu de l’homme (ou de la femme) idéal(e). Au fond, c’est du même ordre émotionnel, non? Alors « Dry Your Tears » nous chante le bienveillant Atili Bandalero, dans ce petit reggae confortable qui tient chaud aux oreilles. On a qu’une vie, et cela David Bowie l’a bien compris, jusqu’à la dernière seconde : son album « Blackstar » a cartonné, et faire face à sa propre fin en la chantant aussi bien que lui, c’est le signe d’un artiste total. Total, tel est l’envoûtement lorsqu’on entend encore et toujours la voix de Hope Sandoval, qui du haut de ses Mazzy Stars file encore et toujours des disques lactés, une voie (voix) féminine éternelle contre la finitude des corps et honorant le puissant cycle de la nature. Le rapport romantique et naturaliste des choses au sein de « The Salt of the Sea », ou se laisser aller dans un enivrement de la nature et des corps. Je vote pour Hope ! Ou Iggy Pop, qui déploie encore de la verve et qui ne se fait pas de lézard face à cette foutue finitude des corps justement. Il se sent comme un poisson dans l’eau sur scène, joue son rôle de (Iggy) pape du punk, du rock’n roll. Alors que, autre ambiance, James Blake, un romantique de type torturé cette fois, essaye de rendre le nihilisme beau et désirable (autre exploit). Complexé, alambiqué. Mais avec un lourd pendant électro et de l’auto-tune bien placé, une artillerie d’effets musicaux pour saupoudrer son esprit noir de princkles, pour pousser le mélancolique loin, là, dehors. La définition même de l’art, ce James Blake? Nick Cave l’a bien compris, lui qui dans la foulée de la mort accidentelle de son fils toxicomane, il écrit d’une traite « Skeleton Tree », il décrit l’harassante contradiction dans ces moments, où pour se dépasser on se rend insensible (« Nothing Really Matters »), et qu’on s’écrie qu’on a encore besoin de toi (« I Need You »). C’est bien de l’hommage le plus puissant qu’on ai entendu cette année dont il s’agit.
Plus fort…
Tiens, encore des as, Radiohead, mais cette fois on passe à la partie un peu plus péchue de la playlist. Oui, bon, on y va tranquilou quand même, m’enfin, les mauvaises langues diront que les derniers Radiohead sont chiants, seulement pas « Identikit » (pour la version studio en streaming gratos, bon courage). Non, vraiment pas celui-là, il regorge d’air et de feu, solidement, il vous enfle de plaisir, dans les moindres rythmes et refrains, un classique parfait qui était tapi là, dans leur discographie (et dans certains concerts où le titre était joué depuis pas mal d’année déjà), et surtout, il est positif. Et quand Thom Yorke a la pèche, il le montre (à sa manière) et donne la banane. La banane, c’est un ingrédient essentiel pour apprécier ensuite le dansant et de surcroît démoniaque Rebolledo from Mexico. Chez un label de la nébuleuse allemande Kompakt, il sorti tout simplement plus d’une heure de fureur, faisant des sons humains ou animaux (je devrais dire ET car nous en sommes, en somme, des animaux) un canevas idéal pour produire le meilleur remontant des nuits froides et noires. C’est la coopération nord sud qui va à merveille, l’exotisme un peu barré qui envahit les rudesses du nord, et le monde qui va mieux. Car oui, le temps passe, mais quand c’est à ce tempo, auquel vous skotchez aussi bien en courant prendre votre bus que sur le dancefloor, vous l’aimerez bien le temps qui passe. Plus près que du Mexique, c’est le francilien Wax Tailor qui vous le rappelle dans ce hip-hop instrumental exquis. L’auteur de Que Sera s’amuse avec cette notion du temps, qui joue pour lui à un tempo jamais essoufflé. Que 2017 soit alors l’année du nouveau souffle !
Le nom des albums respectifs se trouvent dans la playlist en haut de page.