Critique de « Polina, danser sa vie » réalisé par Valérie Müller et Angelin Preljocaj

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Apprendre à marcher. Parler. Danser.

Polina, interprétée par Anastasia Shevtsova, est une danseuse classique très prometteuse. Soutenue par ses parents qui voient en elle la promesse d’une grande réussite future, nous la suivons dans son parcours de danseuse professionnelle et de femme. Un portrait touchant sur l’horizon d’un désir qui naît devant nos yeux.

Un apprentissage rigoureux

Polina est très tôt poussée par ses parents pour pratiquer la danse classique. Le film débute sur son premier concours : celui de l’entrée dans la classe de M. Bojinski. C’est l’occasion pour nous spectateurs, de plonger dans l’univers de la Russie des années 1990. Une ambiance froide, collant parfaitement à l’éducation artistique qu’elle reçoit.

Nous le savons communément, la danse est un art très exigeant. Et nous le réalisons rapidement avec ce professeur qui lui propose une éducation très stricte, voire humiliante par moments. Mais Polina ne se décourage pas. Elle répète intensément en dehors des cours, elle veut à tout prix atteindre son but : réussir le concours d’entrée au ballet du Bolchoï. Elle finira par y arriver mais elle est à un moment de sa vie où elle est en proie au doute. La jeune femme n’est pas satisfaite d’elle-même. Et puis, elle a rencontré ce jeune homme, un français, interprété par Niels Schneider.

Bien que nous voyions Polina évoluer tout au long du film, la question de l’apprentissage demeure essentielle. Même quand elle excelle, elle est conduite vers de nouvelles expériences. Constamment en soif d’apprendre, aucun enseignement ne lui suffit. Et c’est là que le scénario regorge d’intensité, c’est quand cet apprentissage de la danse se mêle à celui de la vie.

Alors qu’elle est admise au Bolchoï, elle décidera de suivre son cœur ainsi que sa curiosité nouvelle pour la danse contemporaine. Ce départ pour la France est source de déception chez ses parents. Mais c’est aussi pour elle, l’occasion d’apprendre à se séparer de sa famille et de trouver sa voie.

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La rencontre amoureuse

En partie dû à son éducation, Polina est une jeune femme réservée, discrète. On lui a appris à contenir ses émotions. Cette maîtrise a toujours servi son talent pour la technique. Son corps a intégré toute une mécanique, esthétique certes, mais qui la bloque dans sa créativité. En revanche, c’est grâce à sa vie amoureuse que son désir enfoui refait surface. Et c’est sur ce point que le film enrichit ses intrigues.

A son arrivée en France, elle s’adapte. Mais malgré le fait que ses mouvements soient maîtrisés à la perfection, sa professeure, interprétée par Juliette Binoche, lui reproche de ne pas danser. Pour elle, danser, c’est ressentir, c’est être traversé par son âme. Voulant bien faire, Polina se plie aux exigences de l’artiste mais en dansant avec son partenaire, qui est son petit ami actuel et se blesse. Elle ne pourra donc pas assurer le premier rôle qu’on lui avait proposé.

A partir de là, sa vie lui échappe. Elle ne maîtrise plus son corps, ni sa vie tout court. Adrien, son petit ami, lui file entre les doigts. Sa nouvelle partenaire incarne ses gestes et ses intentions quand elle danse. Pas elle, lui dit sa professeure.

Alors que Polina avait pour ambition de réussir dans cette école, elle arrête. Sans Adrien, elle ne danse plus. En parallèle, elle continue de raconter à ses parents à quel point elle est occupée par les tournées européennes. Ils sont fiers d’elle, ou plutôt de l’illusion de ce qu’elle pourrait être.

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Lâcher prise : quand la vie intérieure devient création

S’en suit une période où tout devient confus. Cet aspect-là se retrouve dans la mise en scène : des séquences se suivent dans des lieux différents, parfois sans transition. Nous sommes perdus, comme Polina l’est dans sa vie et nous ne savons pas toujours dans quelle direction elle va. Va-t-elle arrêter la danse définitivement ? Combien de temps s’est-il écoulé entre son départ de Russie et la fin du film ? Difficile à dire.

Certes, « Polina, danser sa vie » comprend certains défauts : il est par exemple difficile d’imaginer Juliette Binoche professeur de danse. Mais il s’agit avant tout de l’histoire d’un parcours intérieur. La temporalité en est forcément altérée. Grâce à un scénario brillant et une mise en scène fine et intense, nous pouvons affirmer que c’est un film très réussi.

Au fond, Polina ne cesse d’être à la recherche de son propre désir. Maintenu pendant longtemps dans un cadre trop rigoureux et oppressant, celui-ci avait des difficultés à s’exprimer. Et c’est grâce à ses échecs, à ses épreuves artistiques, professionnelles, amoureuses, qu’elle parvient à se libérer. Sans vous en dire trop, la scène de fin, lorsqu’elle présente sa première création, représente l’avènement de sa vie de femme. Et c’est là que sa vie intérieure devient création.

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En bref, « Polina, danser sa vie » est un magnifique long-métrage sur le cheminement d’un désir. C’est un hymne à la danse, une promesse d’avenir. L’interprétation de Polina par Anastasia Shevtsova est bouleversante et parvient à nous toucher en profondeur. Un film à ne louper sous aucun prétexte !

Sortie officielle le 16 novembre 2016, durée 1h48.

Lauren Mary