L’Idéal est la suite indirecte de 99 Francs, réalisée par Frédéric Beigbeder qui signe ainsi après L’Amour Dure Trois Ans, son deuxième film. L’Idéal raconte comment Octave, le personnage de Gaspard Proust et Valentine, le personnage d’Audrey Fleurot sont envoyés pas Carine, personnage de Jonathan Lambert, à la recherche de la nouvelle effigie de L’Idéal Paris.
Une équipe efficace pour un film plaisant
Après un générique génial, composé d’un montage publicitaire pour la mode, et d’une voix off qui débite des clichés de beauté, Beigbeder offre une mise en place de grande volée. L’introduction des protagonistes est très réussie, à grand renfort de travelling et de plans séquences, Beigbeder présente un Gaspard Proust qui prête ses traits à un personnage intelligent, scénique, irrévérencieux et plutôt drôle, mélange entre le Jean Dujardin de 99 Francs et de Beigbeder lui-même, tout en conservant son propre flegme. Vient le tour d’Audrey Fleurot, nouvelle coqueluche française depuis Intouchables, qui campe une directrice d’entreprise intransigeante. Jonathan Lambert est très drôle dans son personnage de transsexuel entrepreneur, piquant et crédible, l’acteur est convaincant dans une situation inattendue. Grâce à son talent d’écriture, Beigbeder repose son film sur une direction artistique impressionnante, faites de comédiens talentueux, véritablement concernés par leurs personnages, et sur quelques dialogues savoureux. Quelques punchlines fusent et certaines situations font mouches. Avec ironie, Beigbeder critique le monde de la mode, son capitalisme poussé à l’extrême, son fonctionnement éphémère et le traitement indécent des employés de ces firmes mondiales. Pour autant le cinéaste tient son film grâce à la forme plus qu’au fond.
Une critique facile et hypocrite ?
L’Idéal reste moins percutant que 99 Francs, la satire politique de Jan Kounen, dont Beigbeder reprend le style ostentatoire pour souligner ses propos. Mais finalement L’Idéal souffre des mêmes défauts que 99 Francs, Beigbeder s’enferme dans une mise en scène tape à l’œil pour tenter de passionner un spectateur suspicieux des intentions de l’artiste. Il tente de décrédibiliser un monde qu’il côtoie lui-même. Certes, la technique et le style de l’écrivain sont agréables, même séduisants, et sa mise en scène est honorable, mais ses personnages secondaires, caricaturaux, et le manque total d’observation pour proposer une solution à ce milieu sauvagement dominé par l’argent, réduisent l’impact du film. Beigbeder se contente de conclure son œuvre par une détestable happy end, comme si c’était l’unique réponse à un problème actuelle et profondément ancré dans notre culture. L’argent dominatrice d’un milieu pseudo artistique devient monnaie courante, le cinéma en souffre aussi avec des metteurs en scènes ayant beaucoup moins de liberté artistique et des acteurs de plus en plus éphémères. Beigbeder dilue d’autant plus la pertinence de certaines de ses idées et le génie de ses comédiens en incorporant une sous intrigue familiale des plus détestables où le personnage de Gaspard Proust apprend qu’il a engendré une fille lors d’un de ses précédents voyages. Une histoire amenée comme un cheveux sur la soupe et peu utile. Finalement ce qui séduit le plus dans L’Idéal ce n’est pas tant le contenu ou l’apport social de l’histoire, mais d’avantage le style irrévérencieux de Beigbeder et son génial talent de dialoguiste.
L’Idéal est un film naïf, qui se complait dans une auto satisfaction issue d’une mise en scène intelligente, débitant des vérités universelles et évidentes, critiquant avec style et ironie, mais ne proposant pas franchement de solution, ni d’analyse inédite ou originale.