A Silent Voice : un manga aux sonorités basses mais d’une beauté profonde

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Véritable phénomène au Japon avec plus de 700.000 exemplaires vendus en moins de 4 mois, A Silent Voice se fait enfin connaître en occident. Fin janvier dernier, les Editions Ki-oon nous faisaient l’immense plaisir de faire paraître dans l’hexagone, le très célèbre manga Koe no Katachi, ou occidentalement appelé A Silent Voice (revoir article). Intégré à la collection Ki-oon Shônen, ce manga aux sonorités basses mais profondément humanistes a déjà rejoint les favoris de ma bibliothèque manga. Retour spécial sur les deux premiers volumes sortis à ce jour ! 


Koe no Katachi – A Silent Voice



Tome 1 A Silent Voice
Couverture du tome 1, paru aux éditions Ki-oon

Titre original : 聲の形 – Koe no Katachi

Titre occidental : A Silent Voice

Type : Shônen

Genre : Handicap, tranches de vie, ijime (harcèlement)

Mangaka : OIMA Yoshitoki (Mardock Scramble)

Prépublication japonaise :  Weekly Shônen Magazine

Éditeur Japonais : Kodansha

Éditeur Français : Ki-oon

Date de parution : 21 mai 2015 (tome 3)

Nombre de tomes : 2 en France, 7 au Japon

Statut : en cours (France), terminé (Japon)





silentvoice texte
KOE NO KATACHI © Yoshitoki Oima / Kodansha Ltd.


Shoko Nishimiya est sourde depuis sa naissance. Shoya Ishida est le bout-en-train de sa classe, un garçon agité qui fuit l’ennui avec ses amis. Une nouvelle classe, de nouveaux camarades. Tout aurait du se passer pour le mieux pour Shoko qui enchaîne les efforts pour s’intégrer. Mais rien n’y fait. Menée par Shoya, la classe harcèle Shoko au travers d’agressions physiques et psychologiques.

Mais lorsqu’un tragique événement aboutit à une plainte et à l’intervention du directeur de l’école, toute la classe qui prenait plaisir à brimer Shoko se retourne et accuse Shoya comme seul responsable… Tout s’inverse et le bourreau devient victime. Ses amis ne sont plus, sa vie d’antan n’est plus et toute la rancœur s’exacerbe vers une cible unique : l’existence même de Shoko.

Les retrouvailles quelques années plus tard, entre un bourreau rongé par les remords et sa victime d’alors…


Logo_Silent_Voice
Logo – KOE NO KATACHI © Yoshitoki Oima / Kodansha Ltd.




La suite de l’article vous propose de découvrir le déroulement de l’histoire, les interactions entre les personnages et parle sans détours de la situation décrite dans le manga. Des détails de l’histoire et possibles spoilers sont donc présents. Pour ceux désireux de lire A Silent Voice sans spoilers, merci de revenir lire l’article une fois ceci fait. 


Un sujet fort et trop peu abordé


Je suis malentendante original
KOE NO KATACHI © Yoshitoki Oima / Kodansha Ltd.

Dans ce manga pas comme les autres, le lecteur est plongé au cœur d’un sujet fort et prenant, mais trop peu abordé dans la vie quotidienne : le handicap. Ici, Shoko est sourde. Le port de ses appareils auditifs lui rend la vie un peu plus facile, bien qu’elle ne parvient pas à tout saisir lors des conversations.


Je suis malentendante.


Parfois il nous arrive de nous boucher les oreilles et de nous imaginer dans un monde privé de sons. L’expérience peut s’avérer désagréable, mais ce n’est rien au regard de la vérité. Dès son arrivée à l’école, Shoko semble bien accueillie par les nouveaux élèves de sa classe, surpris par son handicap. Seul Shoya exprime de voix haute ce que d’autres semblent penser tout bas.


C’est trop bizarre !!


Des mots forts, pouvant être aussi affûtés que mille lames de rasoir pour un enfant de cet âge. La maladresse enfantine et l’incompréhension de l’handicap de Shoko conduiront certains enfants de la classe à la tester, d’autres à l’aider. L’école primaire est une période très difficile, en France, comme au Japon ou ailleurs. L’âge où les enfants cherchent les différences, mais aussi ce qui les fait ressembler aux autres enfants de leur âge. L’âge où un rien peut vous valoir une exclusion de la bande de copains. Des sentiments véhiculés avec sincérité et véracité par ces enfants, qui cherchent les limites, mais aussi la vérité et les clés de la compréhension.

A noter également, la jeunesse de la mangaka, Oima Yoshitoki, tout juste âgée de 26 ans. Un sujet prenant, traité et amené avec respect, tact et brio, qui réussit à parler de handicap de manière touchante, mais surtout avec une justesse inégalée ! La jeune mangaka ne connaît pas personnellement le milieu de handicap, mais y a été sensibilisée très jeune avec l’aide de sa mère, interprète en langage des signes qui a participé à l’oeuvre de sa fille.


Quand handicap rime avec ijime…


Tu veux bien écrire ce que tu as dit ?


Pour Shoko, différente des autres de part son handicap, la tâche de l’intégration dans sa nouvelle école n’en est rendue que plus ardue. A tout âge de sa vie, et surtout on Japon (revoir l’article sur l’ijime et le drama LIFE), le japonais se doit de rentrer dans un moule. S’il ne convient pas, il y a de grandes chances qu’il soit dénigré, agressé et brimé car différent. Et c’est ce qui arrivera dans A Silent Voice : Shoya et sa bande de copains lui feront subir mille et une misères. Mais ce que Shoko leur rendra en retour, ne sera qu’excuses et sourire gêné. Jusqu’au jour où tout va trop loin… Les appareils auditifs de Shoko sont volés de nombreuses fois, tantôt jetés dans la rivière, son cahier malmené, son corps frappé par les poings encore jeunes mais ardents de Shoya qui ne la comprend pas et la dénigre. Shoko tente de faire des efforts, infructueux. Mais personne ne semble pouvoir la comprendre, ni même vouloir. Et personne ne semble vouloir l’aider.


A cause d’elle, je rate la moitié du cours !


Concours chant a silent voice
KOE NO KATACHI © Yoshitoki Oima / Kodansha Ltd.

Petit à petit, tous ces camarades se retournent contre elle. Là où à son arrivée dans la classe, tous lui réservaient un accueil chaleureux et curieux, tous vont se mettre à la dénigrer d’une manière ou d’une autre. Les cours n’avancent pas, ses voisins de classe doivent sans cesse lui réécrire les leçons données par le professeur, le concours de chant est une catastrophe, Shoko est oubliée après le nettoyage de la cours… Elle restera malgré tout une battante et s’efforcera de ne pas gêner l’avancée de sa classe.


Là où l’histoire va encore plus loin dans les brimades et le contexte scolaire, c’est sur le plan des instituteurs, une facette rarement exploitée. Un professeur qui se montre bienveillant au début, reprenant ses élèves lorsque, ceux-ci trop curieux, vont trop loin dans leurs expériences sur l’handicap de Shoko. Mais peu à peu, ce même professeur ne réagit plus aux brimades faites par sa classe, montre des fautes, une certaine dédaigne, léger dans ses méthodes et son accompagnement. Un professeur qui laisse les brimades s’envenimer malgré la connaissance de la chose. Un comportement inapté, mais ô combien réaliste, qui doit bien arriver dans la réalité un nombre certain de fois. Est-ce parce que lui aussi a peur de l’handicap de Shoko ? Ou est-ce purement une faute ou une faiblesse dont il fait preuve ? Tant bien est que les choses finissent par tourner mal et que ce fameux professeur lui même retourne son propre manquement sur l’un de ses élèves, qui n’est nul autre que Shoya. Toute la classe à dos, Shoya n’a plus d’échappatoire et découvre une vérité qui ne lui plaît absolument pas… Quand le bourreau devient victime. Shoya perd tout, petit à petit et dégringole dans les affres sans fin de la douleur, de la solitude et du rejet d’autrui. Seule Shoko tentera de l’aider et de lui apporter son soutien à sa façon. Mais cette rencontre se terminera en règlement de comptes et Shoko quittera définitivement l’école.


Regrets et ressentiments


A Silent Voice, manga profond et empli de ressentiments, nous fait sentir humains. On se souvient de ces moments de joie à l’école primaire ou de nos doutes quand au futur une fois arrivés au lycée. Mais aussi de tous ces bons moments passés avec les amis, de nos bêtises, de nos professeurs d’antan, de l’accompagnement de nos parents et de notre famille qui fait que nous sommes ce que l’on est aujourd’hui. Mais A Silent Voice a aussi ce petit côté particulier, où il nous fait aussi nous sentir mal dans notre peau… N’avons nous pas déjà tous croisé une personne handicapée à un moment de notre vie ? Comment notre regard s’est-il posé sur elle ? Qu’avions-nous fait à cette époque vis ? Qu’avions nous pensé de cette personne ? Des questions quasi existentielles quand on voit à quel point l’handicap fait souffrir la personne qui en est atteinte.


Loin des préjugés ou des discours plats, A Silent Voice va au bout des choses, notamment dans le regard et l’incompréhension que les enfants portent sur Shoko. Shoya est la seule personne à exprimer tout haut ce que d’autres ne pensent que tout bas et chuchotent entre eux. Les paroles sont crue, les réactions parfois violentes ou disproportionnées, mais tout est crédible et nous remue l’estomac. Shoya, malmené, abandonné par sa bande de copains, voit rouge et ne trouve qu’une personne à l’origine de son malheur : Shoko ! Détestant ardemment la jeune fille, il va tout faire pour lui mener la vie encore plus dure. Mais au dela des gestes agressifs et des paroles violentes, se cache une incompréhension totale. Pourquoi la fille qu’il brutalisait constamment continuait-elle d’être gentille avec lui ? De s’excuser ? Pourquoi ne s’énervait-elle jamais ?! Pourquoi ne pleurait-elle pas ?! Shoko, pleine de bons sentiments, n’exprimera jamais ni rancune envers ses camarades, ni pleurs, ni abandon. Seulement des excuses, même à ses bourreaux.


Excuse-moi
KOE NO KATACHI © Yoshitoki Oima / Kodansha Ltd.


Une incompréhension qui finira par se transformer petit à petit en regrets, sentiments froissés et douloureux que Shoya traîne comme un boulet à ses pieds. Ces camarades l’ont abandonné, niant les brimades auxquelles ils ont eux aussi participé, le dénigrant et l’affublant d’une sale réputation partout où il passe. Un avenir incertain, baignant dans la misère et la solitude…

Au travers de l’histoire et de son avancement, le second manga nous ramènera dans le présent de Shoya, maintenant en dernière année au lycée. Toujours emprisonné dans son image d’antan, celui-ci peine à s’ouvrir au monde qui l’entoure et aux personnes qui l’habitent. Shoya n’imagine qu’une seule voie pour son avenir : le noir absolu des abysses de la solitude et de la mort. Mais avant de passer à l’acte, un dernier geste le force à rester en vie… Plein de remords amer et de regrets qui le hantent depuis son enfance, Shoya n’a qu’un seul but avant de mettre un terme à sa vie : s’excuser auprès de celle qu’il a autrefois brimée et bousculée, Shoko. Un geste pas si évident à réaliser pour le jeune homme, en proie à l’inquiétude.


Mais ce qui me dégoûte plus que tout, c’est ma propre attitude…

Quitte à crever… Autant régler mes dettes avant…


Une réalité forte et des retrouvailles qui ne se passeront pas tout à fait comme prévu… Et c’est bien là que la magie de Oima Yoshitoki opère ! Notre cœur suivra avec envie cette rencontre inhabituelle et ses déboires, le cheminement intérieur des questions de Shoya et on retrouvera avec grand plaisir le sourire éternel de Shoko. Le chemin est encore long pour Shoya et Shoko, qui contre toute attente, se rapprocheront petit à petit, malgré les multiples embûches qui se dresseront sur leur route.



A silent Voice - Amis
Sens de lecture français – KOE NO KATACHI © Yoshitoki Oima / Kodansha Ltd.


A Silent Voice est sans conteste, LE manga de ce début d’année 2015. Différences, discrimination, silence des adultes, puis désespoir, retrouvailles, joie et finalement espoir. A Silent Voice est un manga aux sujets durs mais qui peut se vanter de ne pas entrer dans le moule des manga aux sujets bateaux et déjà vu. Et pour continuer à suivre les aventures de Shoko et Shoya, rendez-vous dès aujourd’hui dans vos points de vente habituels pour la sortie du tome 3 de A Silent Voice avec les éditions Ki-oon !