Annoncé depuis de longues semaines comme l’un des films phénomènes de 2017, Get Out était attendu avec impatience dans nos salles par un public d’autant plus exigeant que le film semblait grandement en valoir la chandelle. Produit par Jason Blum, fondateur de Blumhouse Productions, maison spécialisée dans les films d’horreur à petit budget, cette œuvre a éveillé notre curiosité. Découvrons dès à présent le portrait peu élogieux que dresse Jordan Peele d’une Amérique raciste, endiguée dans son passé esclavagiste.
L’intrigue est simple : Chris, petit-ami noir de Rose l’accompagne rencontrer ses parents lors d’un week-end en famille. Inquiet à l’idée de faire leur connaissance, Chris craint que sa couleur de peau ne lui attire des soucis. Au premier abord bien accueilli, le jeune homme devra faire face à des personnalités de plus en plus inquiétantes, considéré comme un être « à part » parmi cette communauté presque totalement blanche. En effet, les seules personnes venant rompre cette monochromie ne sont autres que les domestiques du foyer composé d’une femme de chambre hystérique et d’un jardinier autiste. Seule personne de couleur au sein de cette famille en apparence tout à fait respectable, Chris se sent observé et étudié par ses différents membres, bien que ces derniers tentent de montrer un visage des plus amicaux. Emprisonné dans une paranoïa de plus en plus grande, le héros tente de se raisonner et de laisser une chance à ses hôtes, appuyé par une petite amie en tous points parfaite, aimante et particulièrement attentive à toute remarque ou acte raciste pouvant être perpétrés à l’égard de Chris.
Get Out, un cinéma de genre efficace
Théâtre d’une atmosphère de plus en plus pesante, l’œuvre sait faire preuve de beaucoup d’humour pour soulager – momentanément – l’angoisse grandissante de son public. La dérision permanente dont fait preuve Chris, méthode de défense relativement efficace face aux sous-entendus racistes de son entourage, permet à la séquence mondaine du film d’être des plus grisantes. Entouré d’une réception composée quasi exclusivement de convives blancs, le héros tente tant bien que mal de se fondre dans la masse, sans cesse ramené à sa « condition » par les remarques déplacées de ses interlocuteurs. Interrogé sur ses aptitudes sportives ou encore sexuelles, le jeune homme sombre dans un désespoir non feint devant la stupidité des invités. Alors qu’il pensait être sauvé, voyant au loin un autre Afro-Américain, Chris remarque encore une fois le comportement tout à fait étrange de son interlocuteur, renvoyé d’autant plus violemment à son statut d’étranger, d’intrus. C’est à partir de cette confrontation qui tournera au drame que Get Out démarre une course folle et fait exploser toute sa violence.
Un casting idéal pour le film d’horreur de l’année?
Suggéré plus qu’explicitement montré, le racisme latent de Get Out se manifestait en premier lieu dans de petits détails savamment parsemés, métaphores subtiles du racisme silencieux œuvrant aux Etats-Unis mais aussi sur notre propre sol. Des petits riens qui cumulés, créent un véritable sentiment d’angoisse, poursuivant leurs victimes et les plaçant dans un malaise constant. La scène d’introduction du film est de ce point tout à fait éclairante de ce racisme latent, imprégné dans les consciences de deux communautés ici radicalement opposées, dans un portrait sans nuances d’une société discriminatoire et meurtrière. Alors qu’il cherche son chemin dans les rues d’une banlieue huppée, un jeune Noir se fait suivre par une voiture et sent immédiatement qu’une menace plane sur lui. Se maudissant d’avoir emprunté ce chemin et d’avoir arpenté ce quartier où il n’était clairement pas le bienvenu, il en payera les lourdes conséquences. Une situation qui préfigure le destin de Chris, en prise avec un environnement bien plus dangereux qu’il ne l’aurait cru. S’ensuit une lutte à mort à la fois jouissive et terrifiante, faisant sombrer avec brio l’œuvre dans le genre horrifique. Une dernière partie pleine de violence et d’hémoglobine qui s’offre comme le point culminant et libérateur de cette intrigue anxiogène et étouffante. Dommage que cela ait si peu duré, même s’il était bien nécessaire à Jordan Peele de dresser méticuleusement tout ce background pour porter la nervosité et l’attention du spectateur à son paroxysme.
Difficile d’être brève devant un film qui mêle tant de registres et de métaphores, et pourtant il me faut désormais conclure. Get Out est un film redoutablement efficace, alternant humour et angoisse, les mêlant finalement dans une séquence cathartique digne des meilleurs revenge movies. Portée par un casting parfait – soulignons la performance brillante du duo de ce film, d’Allison Williams (Girls), à la fois charmante et d’une froideur sans nom, à Daniel Kaluuya (Black Mirror), irrésistiblement drôle – , cette œuvre est l’une des plus belles surprises de l’année. Entre références lynchéennes et tarantinesques, Jordan Peele fait un sans-faute, en espérant que son prochain film soit tout aussi jouissif que celui-ci !