L’horreur continue à s’infiltrer dans la Rome antique avec Ceux qui vont mourir, la suite de la série Britannia de Valiant publiée par Bliss Comics le 31 août. Ce volume rassemble les quatre épisodes d’une histoire complète.
Une splendide enquête mystique
Dès les premières pages, Milligan nous plonge en flash-back dans une ambiance sombre avec une tentative de viol pendant un banquet. Il y aura beaucoup de sang dans ce récit. Les mystères rôdent comme une statue qui parle et sacrifient des nobles. Depuis la précédente série, le dessin de Juan José Ryp est encore meilleur. Son style se précise par une ligne très fine et la disparition du flou du volume précédent. Les couleurs se sont aussi améliorées avec une représentation encore plus réaliste de la peau. Tout cela est intégré dans une mise en page classique depuis les années 90. Les cases n’ont plus de bordure et une image occupe souvent le fond. Ryp choisit de mettre peu de sorties de case et le fond est souvent noir en lien avec l’ambiance gothique de la série. Grâce au graffiti, il intègre des indices visuels. Dans le quatrième épisode, le dessinateur est aidé par Ryan Lee et Roberto de la Torre pour tenir le rythme.
Des héros qui ont changé
Il n’est pas nécessaire d’avoir lu le tome précédent pour apprécier cette nouvelle enquête mais le scénariste profite de ce second tome pour faire évoluer Antonius. Ce personnage principal est moins rationnel depuis son expérience en Bretagne. Il représente le lecteur moderne. Ce légionnaire est cartésien, refuse du cirque, devient un père aimant et inquiet. En effet, en disant la vérité à son fils, Antonius tente d’être un père responsable mais la relation est encore compliquée au début. Le thème de la responsabilité des pères parcourt l’ensemble du volume. Son esclave sarcastique reste un élément amusant et utile au récit mais une nouvelle personne, Achillia, s’intègre à une équipe se constituant peu à peu.
Comme souvent chez ce très bon éditeur, en plus des épisodes, on trouve l’ensemble des couvertures et quelques pages avant colorisation. On pourrait imaginer que dans les prochains volumes un cahier historique replace ces aventures dans l’histoire réelle de Rome.
Une leçon d’histoire fun ?
Après les vestales et la conquête dans le premier tome, le scénariste s’intéresse plus ici aux rapports entre genres et aux jeux du cirque. On pense forcément à Gladiator mais l’on découvre que des femmes pouvaient être gladiatrices sous Néron. Le scénariste montre bien qu’une esclave à Rome n’est qu’un objet dont le maître peut user à sa guise. Il évoque à nouveau le conflit entre les vestales d’un côté, l’empereur et ses conseillers de l’autre à cause de meurtres de nobles. Le sénateur Craxus manipule Néron pour faire accuser les vestales. Ce conflit est un moyen pour le scénariste de parler de la place des femmes dans l’empire romain. L’empereur Néron plonge dans la folie après avoir tué accidentellement sa femme enceinte. Il craint la revanche des dieux mais sa superstition le rend fou. Achillia s’attire la foudre des hommes car elle montre que l’égalité des genres est possible et l’importance de l’exemple pour l’émancipation féminine. En pleine période #metoo, Milligan se range clairement du côté des femmes mais ces femmes peuvent être à la fois des figures positives ou négatives selon les cas.
La vie quotidienne des Romains
Le combat dans le cirque est un moyen de faire un parallèle entre deux arts du combat : Antonius a l’expérience et la formation d’un chef de légion alors qu’Achillia a découvert sans formation dans le cirque. C’est l’expérience que les sauve. La culture de l’homme est-elle supérieure à l’instinct de la femme ou est-ce dû au manque d’éducation d’une esclave ?
On découvre la vie et les paysages des villas des plus riches nobles à Rome. Même si on reste dans la capitale, on continue à découvrir la situation des provinces de l’empire, ici Carthage après la Bretagne. Les Romains ne sont pas le seul peuple de cet empire multiculturel et ils ne sont pas forcément au centre du récit. Achillia est une africaine venant de Carthage. On découvre hélas peu de paysages car le cadrage des dessins est très rapproché. C’est une aventure intime avec moins de politique.
Ce deuxième tome retrouve avec plaisir le cocktail d’enquêtes, de surnaturel et d’intrigues sentimentales. Ceux qui vont mourir est donc un très bon polar historique par sa construction qui distille progressivement les indices. Le quatrième épisode veut tout résoudre et cela aurait mérité quelques pages de plus. Nous serons en tout cas ravis de retrouver cette ambiance et ces héros dans le troisième volume, Les aigles perdus de Rome, à paraître en 2019.