Que lire en période de confinement ? Au lieu de perdre la tête à se parler tout seul entre ses quatre murs, venez-vous échapper grâce aux livres. Vous pourrez sortir sans violer les règles du confinement ! La rédaction recommande :
1. Les délices de Tokyo – Durian Sukegawa
Sentaro, est un ancien détenu qui travaille dans un stand de dorayaki (pâtisserie japonaise) pour rembourser ses dettes. Il se retrouve pris au dépourvu quand Madame Yoshi, une dame âgée qui dissimule un secret, entre dans sa vie comme une bourrasque. Avec elle, il va prendre gout à faire de la pâtisserie et va créer des liens avec ses clients.
Critique : C’est un livre sympathique qui nous conjure d’apprécier la vie comme on peut. Assez typique du style d’écriture japonais, l’auteur se concentre sur l’introspection de ses personnages et la description de ses paysages. Ce livre critique aussi certains dogmes politiques japonais vis-à-vis de la lèpre et la stigmatisation des anciens malades. Sans pour autant agir en juge, ni cherchant à refaire le monde, l’auteur transmet un message réconfortant pour apprécier ce que nous offre la vie. C’est un style agréable à lire et une lecture qui vous transporte dans la ville de Tokyo.
2. #Infirmière – Caroline Estremo
Suivez le parcours de « l’infirmière à houppette » et comédienne Caroline Estremo. Avec Georges-son-instinct, elle nous dévoile ses débuts en tant qu’infirmière après avoir arrêté la fac de droit. Son livre montre aux lecteurs les moments difficiles de son parcours et comment elle a su faire face à la pression du domaine des urgences.
Critique : Cette autobiographie nous montre l’infirmière/comédienne dans ses moments forts et ses doutes. Elle nous présente Georges-son-instinct, son protecteur et ses sept personnalités. Le lecteur entend directement la voix de la comédienne raisonner dans sa tête et retrouve le style humoristique de ses sketchs. Écrit à la première personne, ce style permet au lecteur d’établir un lien important avec Estremo. Ce témoignage est intriguant et plutôt drôle quand il raconte des anecdotes avec des patients en tout genre. Le seul bémol du livre, c’est que parfois, les explications de l’auteure sont trop complexes quand elle utilise le jargon médical et ses abréviations. Déterminé à ne pas se prendre trop au sérieux, ce livre montre que, parfois, la vie est plus drôle que la fiction.
3. L’Ours et le Rossignol — Katherine Arden
Bienvenue dans le nord de la Russie médiévale, où l’homme et la mythologie se rencontrent, à l’aube de l’influence du christianisme. Vasya est une jeune fille pouvant communiquer avec les esprits protecteurs des anciens temps. Contente de passer sa vie à écouter les contes de sa nourrice et des légendes de Morozko, le seigneur de l’hiver, Vasya ne se doute pas des dangers qui guettent l’horizon. Quand son père se remarie et qu’un prêtre zélé s’installe dans son village, Vasya découvre qu’un danger, bien plus terrible que la menace de l’ours, plane au-dessus de sa tête.
Critique : Ce livre est une découverte de la mythologie et des contes russes. Le lecteur est transporté dans les contrées glacées de la Russie et découvre la magie des temps anciens et des esprits du passé. Katherine Arden met l’accent sur son héroïne Vasya, qui préfère discuter avec les esprits que de se conformer aux attentes de sa belle-mère, qui cherche à faire d’elle une femme typique de l’époque. Ce livre va dans le sens d’un roman d’aventure. Cependant il offre un souffle de nouveauté dans le genre en touchant à la mythologie et la culture russe. C’est une lecture passionnante et fascinante dans le genre du fantastique.
4. Circé – Madeleine Miller
Dans une nouvelle interprétation de la mythologie grecque, la nymphe Circé offre au public son propre point de vue sur les événements contés par les philosophes et les poètes. Née de la naïade Persée et du Titan Hélios, la nymphe n’a rien, à première vue, d’une divinité. Délaissée par les siens, elle découvre par elle-même ses pouvoirs de sorcière, ce qui lui attirent un jour les foudres de Zeus, entraînant son bannissement sur l’île d’Aiaia. Condamnée à l’isolement pour l’éternité, Circé dévoile ses impressions sur des personnages célèbres de la mythologie grecque, tels que Dédale et Icare, Thésée et Médée, Ulysse et Pénélope.
Critique : Ce livre est un changement fondamental dans les récits de la mythologie grecque. Il raconte le point de vue des femmes, plus encore, d’une nymphe. Présenté dans L’Odyssée dans un bref passage, Madeleine Miller a réussi à extirper tout un monde sur ce personnage. Cette prose féministe souligne très clairement l’adage : « mieux vaut être seule que mal accompagnée ». Comme ce livre est présenté via les introspections de Circé et de ses pensées, le lecteur pourra trouver quelques parallèles de style avec L’Étranger d’Albert Camus. Sauf que contrairement à ce dernier, Circée est un personnage plus attachant et sympathique aux yeux des lecteurs. En ce temps de confinement, Circée remet en perspective la notion de solitude aux yeux du monde. Bien que ce livre n’offre pas de combats ou de rebondissements en tout genre, c’est un excellent passe-temps qui emmène les lecteurs dans le monde des hommes et des dieux.
Et pour les fans de bandes dessinées :
1. L’Intégrale Divinity
En plein cœur de la Guerre froide, la science soviétique doit être la preuve de la supériorité du communisme. Une mission spatiale secrète est envoyée dans ce noble but vers l’Inconnu, aux confins de l’univers avec deux hommes Abram (Divinity), Kazmir et une femme Myshka. Une fois arrivés, un phénomène étrange modifie chacun des protagonistes. Des années plus tard, ils réalisent que le rêve communisme s’est effondré avec le mur de Berlin mais sont désormais dotés de super-pouvoirs. Ils ont maintenant un rôle à jouer dans l’Histoire. Est-ce possible de revenir en arrière quand on a les moyens de tout changer ?
Critique : Cet intégrale est composé de trois mini-séries. Chacune est centrée sur un de ces trois spationautes : Abram, Myshka puis Kazmir. Chaque mini-série enrichit la découverte de l’Inconnu. Par exemple, le lecteur constate dans la deuxième histoire que Abram a abandonné ses compagnons. Myshka suit l’idéologie de l’État : pour achever sa mission, elle utilise le corps de Kazmir comme énergie pour la capsule. Ce dernier décide alors de se venger sur la réalité. Divinity est tout d’abord un récit d’action. Comme un bon James Bond, le dernier cycle est une course entre des individus et des réseaux d’espionnage. Mais ce sont aussi des histoires profondes. Les premiers épisodes posent une question : comment cohabiter avec un dieu ? Le scénario est de Matt Kindt et les dessins de Trevor Hairsine. Les couleurs sont de David Barron. Bliss éditions vous proposent même les cent premières pages gratuitement sur leur site. Il en va de même pour tous les autres intégrales. Une très bonne occasion de découvrir cet univers foisonnant.
2. Tortues Ninja tome 0 : Nouveau départ
Dans un terrain vague, un combat de rue oppose un rat mutant et des tortues ninja contre un chat humanoïde et ses truands. Dans un flash-back, on comprend l’origine de tous ces personnages. Tout ce groupe s’est transformé en une nuit. Des ninjas attaquent un centre de recherche en emportant avec eux des tortues naines, un rat de laboratoire et les échantillons d’un produit fluorescent. Tout tombe au sol lors de la fuite des voleurs. Un chat de gouttière enlève une des tortues, Raphaël, se mettant ainsi du mutagène dans la bouche. Les tortues ne cesseront dans les mois qui suivent de chercher leur frère disparu.
Critique : Comme dans un bon Spider-Man, l’humour se mêle aux coups de poing. Les ninjas à carapace comprennent progressivement que le récit précédent est trop simple. Comment savent-elles se battre si vite ? Le lecteur suit alors deux lignes temporelles : les tortues qui veulent échapper à la bande de Hob d’un côté et le quotidien de personnages importants dans le Japon médiéval de l’autre. Ce volume publié par Hi Comics est une très bonne porte d’entrée pour s’initier à cette excellente série. L’action est trépidante : l’attaque de ninjas, des chiens robots, des gangs urbains… mais le scénariste Tom Waltz ne néglige jamais les personnages qui ont progressivement des caractères et des motivations différentes.
3. Merwan, La mécanique céleste
On s’en serait douté avec le confinement, mais le futur n’est pas glorieux. Le niveau de l’eau a fortement monté et l’économie s’est effondrée. Il ne subsiste que des îles où les humains survivent par le vol, le troc et quelques agricultures. La jeune Aster est justement en expédition avec son ami Wallis dans d’anciennes ruines pour trouver de quoi manger. Pendant ce temps, des représentants de la république militaire de Fortuna viennent imposer leur autorité dans leur village. Dépassé, le chef du groupe demande le recours à la Mécanique Céleste… sans avoir aucune idée de quoi il s’agit.
Critique : Vous êtes lassés des récits prévisibles sur un futur atroce où la violence, la perversion et la méchanceté sont le seul moyen de survivre ? La Mécanique céleste est la bonne réponse pour avoir une autre vision. Merwan compose un beau portrait de femme avec notamment Aster, une intrépide adolescente. Vivant en marge, elle est pourtant la seule à pouvoir sauver la cité agricole de Pan. Ne craignant rien elle va braver les interdits et l’inconnu. C’est elle qui souffle l’idée de la Mécanique Céleste qui est en fait un concours très populaire de balle au prisonnier ! Par un dessin tout en rondeur colorisé à l’aquarelle, Merwan imagine des matchs hilarants et de plus en plus improbables. Le lecteur sourit sans cesse tout en admirant le courage de cette jeune fille.
Article de Clemence Waller et Corentin Grébert