Nous sommes à Paris en 1942. La France a perdu la guerre et doit s’adapter à l’Occupation allemande. Rose vit seule avec son fils, tandis que son mari est prisonnier de guerre. Un jour, l’officier allemand Mark Dinkelbauer du service des renseignements vient à l’immeuble car ils ont reçu une lettre dénonçant Sarah Ansburg comme étant juive. Rose, voulant aider son amie, intervient et le rencontre à sa place. Tout à coup, les deux cœurs chavirent dans un amour aussi passionné qu’interdit.
Des questions s’imposent : Connaissons-nous réellement nos voisins ? Comment faire face au regard des autres ? Peut-on tomber amoureux de l’ennemi ? En avons-nous simplement le droit ?
Thématiques :
L’histoire se passe durant la deuxième guerre mondiale. Le thème le plus présent est « que faire quand on a perdu la guerre ? ».
L’occupation :
La bande dessinée Française régurgite un grand nombre de BD traitant le thème de la guerre de 39-45 et de l’Occupation. Habituellement, les thèmes de guerre sont abordés du point de vue des soldats, des collabos, des déportés, des résistants ou bien des enfants. Cet album se différencie des autres car il se focalise sur la vie des citoyens parisiens lambda, qui vaquent à leurs occupations. Les lecteurs sont présentés à des personnages reflétant la complexité de la nature humaine. Des personnes vulnérables, sympathiques, exécrables ou bien tourmentés. Parmi les personnages secondaires nous avons :
- Simone, qui rêve de devenir artiste contre le gré de sa mère et qui s’habille a la garçonne.
- Madame Flament, la vielle veuve et « folle aux chats » qui interdit quiconque de s’approcher de sa cave.
- Sarah Ansburg qui vit dans la peur en se cachant des Allemands avec son fils.
- Judith, femme au foyer victime des violences de son mari Léon.
- Joséphine, jeune chanteuse et prostituée au cabaret.
- Camille, l’époux aveugle de la concierge, ancien combattant qui s’inquiète pour le futur des habitants.
- Andrée, la concierge qui garde un œil sur tous les habitants des logements.
Sans « noyer » ou compliquer l’histoire principale de Rose et de Mark, les histoires des personnages secondaires montrent à quel point leurs actions sont liées. Par conséquent : les lecteurs qui s’attendent à une seule histoire seront agréablement surpris par la multitude d’intrigues. Cela ajoute de la richesse au tome et a l’histoire principale.
L’amour :
En temps de guerre et d’Occupation, les règles changent. Comme l’indique le titre de la BD, un grand thème est la « collaboration horizontale » des femmes en temps de guerre. Cela fait référence aux femmes qui sont tombées amoureuses de soldats allemands durant l’occupation. Après la guerre, ces femmes ont subi des dégradations et des humiliations de la part de leurs concitoyens français au nom de la « justice ».
Les auteurs ont préféré se focaliser sur l’histoire d’amour entre Rose et Mark. Une histoire mignonne et sympathique où, au fil des pages, les lecteurs observent le stress et les angoisses des différents personnages. Nous apprenons à sympathiser avec la majorité d’entre eux et avons l’opportunité de comprendre leurs motivations.
Dessins :
Les dessins sont légers et délicats. Avec un accent mis sur l’encrage au stylo fin pour les personnages. Cela donne un aspect de carnet de croquis. Et l’utilisation des couleurs pour donner l’impression que tout est fait à l’aquarelle vient sublimer le tout.
Le résultat offre des cases détaillées avec une utilisation subtile des couleurs pour refléter les émotions des personnages. L’utilisation des aquarelles donne une sensation de légèreté pour ces dessins. Les lecteurs ne sont pas bombardés avec de couleurs trop vives, c’est au dessin de s’exprimer avec le soutien de la couleur. La dessinatrice utilise avec finesse et subtilité les couleurs pour mettre en avant l’ambiance qui règne sur le personnage.
Il en résulte ceci : les pages en noir et blanc reflètent le passé. Les scènes amoureuses entre Mark et Rose sont embellies par un rose sensuel. Et les scènes d’angoisse ou de conflits, par un jaune acre.
La première et quatrième de couverture sont également très intéressantes. Les créateurs de la BD mettent en premier plan les silhouettes de nos deux personnages principaux, avec en arrière-plan les fenêtres ombrées des différents voisins. Cette mise en page reflète parfaitement les thèmes de la BD, l’histoire principale entremêlée avec les personnages secondaires.
Impression Globale :
En liant les thèmes populaires de la guerre de 39-45, l’Occupation et l’amour, le public se retrouve avec une histoire riche en émotion et révélant la complexité de la nature humaine. Plus encore, le public retrouve une histoire qui devrait plaire à la majorité.
La juxtaposition entre l’histoire principale et les histoires secondaires est solide et bien faite. Sans pour autant que les « branches » ne fassent de l’ombre aux personnages principaux. Les lecteurs sont amenés en fin de lecture à réfléchir sur les actes des personnages, qu’ils soient principaux ou secondaires. La guerre justifie-t-elle la dénonciation de ses voisins ? Avons-nous le droit de tomber amoureux de « l’ennemi » ? Les situations difficiles sont-elles vraiment noires ou blanches ?
Les créateurs de la BD semblent dire aux lecteurs : c’est à vous d’en décider.
Collaboration Horizontale est disponible en librairie et chez les editions Delcourt/Mirages.